Radio Londres, La Guerre en Direct by Jacques Pessis

Radio Londres, La Guerre en Direct by Jacques Pessis

Auteur:Jacques Pessis [Pessis, Jacques]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Albin Michel
Publié: 2014-06-18T04:00:00+00:00


10.

Les premiers trains pour l’horreur

3 août 1942

La réunion de rédaction a exceptionnellement été avancée à 8 heures du matin. Prévenue la veille au soir par une courte note de Jacques Duchesne, l’équipe a débarqué à l’aube dans les bureaux de la BBC. Chacun s’interroge. Que se passe-t-il ? A-t-il une bonne nouvelle à nous annoncer ? Le second front va-t-il s’ouvrir ?

Les visages se glacent et l’horreur se lit dans les yeux des soldats du micro quand, sans préambule, le rédacteur en chef leur apprend l’information dont il vient, hélas, d’avoir la confirmation. Laval a décidé de livrer aux Allemands dix mille juifs étrangers, réfugiés en zone libre. Trois mille d’entre eux ont déjà été arrêtés et parqués dans un camp.

La nouvelle est arrivée la veille sous la forme d’un télégramme clandestin venu de France. Cela semblait tellement énorme que Duchesne et les dirigeants de la BBC ont demandé à d’autres relais d’en vérifier l’authenticité.

« Ça dépasse tout ce que l’on pouvait imaginer de pire, soupire Duchesne.

– Je crois que nous n’avons pas tout vu, ajoute Bourdan. J’ai le sentiment que cette ordure est capable d’aller encore plus loin dans l’horreur. »

Les persécutions antisémites… Dès la fin de l’année 1940, la France libre s’est élevée contre les confiscations de biens appartenant à des juifs. De Gaulle en personne a évoqué leur statut édicté par Vichy, en particulier la loi, signée par Pétain, leur interdisant d’exercer toute fonction publique. Il a parlé de « coups portés à l’honneur de la France ». Le 12 avril 1941, dans « Les Français parlent aux Français », René Cassin, le juriste qui a rédigé les statuts de la France libre, a rappelé à ses amis israélites que le peuple français ne doit pas être jugé responsable des mesures dont l’ennemi et ses collaborateurs les frappent dans leur dignité d’hommes, plus encore que dans leurs intérêts. En juin 1941, la BBC a protesté contre la nouvelle loi interdisant aux juifs d’exercer des professions libérales, de travailler dans l’immobilier ou la publicité. La colère est montée d’un ton le 22 juillet 1941, à l’annonce de la séquestration de leurs biens en zone libre. En décembre, Maurice Schumann s’est élevé contre l’arrestation à Paris, pour la première fois, de plus d’un millier de juifs français. En mai 1942, Bourdan et Marin ont mis les auditeurs en garde contre le danger que représente Darquier de Pellepoix, un avocat au service de l’occupant, nommé commissaire aux questions juives. Ils ont affirmé que cet être aussi ambitieux que machiavélique ne manquerait pas, très vite, de faire prendre des mesures ignobles. Ils ne se sont pas trompés. Le 6 juin, un décret du gouvernement de Vichy interdit aux artistes juifs d’exercer toute fonction dans le cinéma, la musique et le théâtre. Depuis le 29 mai, une ordonnance allemande impose aux juifs de la zone occupée d’arborer désormais l’étoile jaune. Jacques Duchesne la décrit au micro : « Imaginez une étoile de David à six pointes de la taille d’une main, de couleur jaune bordée de noir, sur laquelle est inscrit en lettres noires le mot “juif”.



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