Raconte-moi Beyrouth by Abdelkarim

Raconte-moi Beyrouth by Abdelkarim

Auteur:Abdelkarim
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Géorama Éditions
Publié: 2014-12-31T16:00:00+00:00


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25 - Université américaine de Beyrouth.

Chapitre 6

FÉVRIER DE L’AMOUR

Je déménage donc en début d’année dans un appartement flambant neuf, situé dans un quartier résidentiel qui jouxte l’Université Saint-Joseph et l’ambassade de France. Je suis à la fin de ma deuxième année à l’Université libanaise et nous commençons les examens du premier semestre.

Dans les rues, on aperçoit déjà les préparatifs des commerces qui s’apprêtent à célébrer la fête des amoureux. La Saint-Valentin a un goût spécial au Liban. Les vitrines deviennent rouges de peluches et de gadgets. Les boutiques des fleuristes se remplissent de clients. Le soir, les restaurants affichent complet. Ils proposent des menus spéciaux pour l’occasion. À la clef, champagne, bougies et chocolat. Le romantisme bon marché bat son plein. Certains couples poussent le zèle jusqu’à porter des vêtements rouges. Des cœurs et des « I love you » fleurissent partout. Même les primeurs et les charcutiers se transforment en vendeurs de ces objets prisés. La frénésie démarre dès la fin janvier et continue crescendo jusqu’au jour J.

Lundi 14 février 2005. Nous devons plancher pour le cours de droit des médias, de 10 h 30 à 12 h 30. Un silence religieux règne dans la salle d’examens du neuvième étage quand soudain retentit une assourdissante déflagration. Nous nous précipitons comme un seul homme vers la fenêtre. Un immense nuage de fumée apparaît à l’horizon. L’explosion semble avoir eu lieu à l’extrémité nord de Beyrouth-Ouest, au niveau du célèbre hôtel Saint-Georges.

L’agitation s’empare de toute la faculté. Les épreuves sont suspendues. Dans la cour centrale, je retrouve mes autres camarades. Rola, la représentante féminine du parti Amal, sillonne nerveusement la cour centrale avec son téléphone portable greffé à l’oreille. Elle est grande, mince, couverte d’un voile bigarré qui suit les tendances du moment. Elle porte un pantalon moulant qui met en valeur ses jolies formes. Rola connaît tous les étudiants, ou presque. Elle affiche haut et fort ses tendances politiques et n’hésite pas à aborder les étudiants avec qui elle n’a pas encore fait connaissance. Sa présence, ses va-et-vient ne passent pas inaperçus. Il y a toujours quelqu’un pour la saluer, pour lui demander un renseignement ou un service. Elle est toujours à l’écoute avec son air enjoué et affable. Rola nous annonce aussitôt que l’attentat a visé le cortège du député et ancien Premier ministre Rafic Hariri. Les réactions fusent. Certains étudiants restent indifférents. D’autres regrettent Hariri : « Quelle perte inestimable ! Il a quand même restauré le Down-Town, ce qui est plutôt cool », lance Batoul d’un ton sarcastique, non sans un brin de sincérité. Seule Ghina, une étudiante de ma promotion, affiche clairement sa jubilation. Elle déclare juste espérer que ce ne soit pas de l’intox et que ce soit bel et bien Hariri qui a « crevé ».

Je quitte la cohue de la faculté et emprunte le chemin du retour à la maison. La place Cola, qui d’habitude grouille de monde, est complètement déserte. Pas une seule voiture, pas un seul taxi ne rôde dans les parages.



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