Quel Pétrin !: Faute de blé, la boulangère a des idées... by Céline Barré

Quel Pétrin !: Faute de blé, la boulangère a des idées... by Céline Barré

Auteur:Céline Barré [Barré, Céline]
La langue: fra
Format: epub
Tags: HUMOUR
Publié: 2015-07-27T22:00:00+00:00


À l’heure convenue, Jocelyne se présenta chez Bordy et fut surprise d’y trouver Artus de la Morne, occupé à épousseter quelques cafetières. Il se traînait telle une âme en peine, engoncé dans une blouse aux couleurs du magasin. Il semblait avoir hérité de la veste de son prédécesseur, ainsi que de ses pantalons. Le noble était désormais totalement déchu : les ourlets aux mollets, les cervicales affaissées. Jocelyne osa à peine le regarder tant elle se sentait gênée pour lui. Elle l’avait souvent maudit, lorsqu’au petit matin il avait eu le retour de boîte un peu difficile et laissait le moteur de sa Pursche ronronner tandis qu’il lui commandait quelques croissants. Pourtant, aujourd’hui, elle ressentait de la compassion pour cet homme déjà plus très jeune et toujours enfant de ses parents, irresponsables aristos qui n’avaient pas su mesurer les conséquences de leurs légèretés en matière d’éducation. Il était fort honorable de bien se tenir à table, de savoir dans quel ordre se saisir de ses couverts et d’avoir lu quelques incontournables afin d’impressionner en société, mais si l’on n’était pas capable de subvenir à ses propres besoins. Alors, du point de vue de la boulangère, on était un raté, un abominable crétin, une andouille née.

Elle rejoignit Gérard derrière son bureau où il avait posé une chaise à côté de la sienne afin qu’elle mène les débats avec lui. Il espérait même secrètement qu’elle officie à sa place, pendant qu’il observerait leurs interlocuteurs, sonderait l’épaisseur de leur bouée — s’ils en avaient une — et tenterait de débusquer le mensonge, l’exagération ou toute autre tentative de floutage de la réalité. Jocelyne, qui s’était attendue à un défilé de jeunes éphèbes minces comme des lianes, ne put qu’être désappointée.

Le premier candidat, Boris Greinfschgel, dont on comprend que Gérard ait eu toutes les peines du monde à prononcer le patronyme, ressemblait à un nain bavarois dont le teint rougeaud n’annonçait rien de bon. Ce dernier prit place face aux deux décideurs et choisit de conserver son anorak. Il prétendait peser quarante-huit kilos pour un mètre cinquante-huit. Si personne ne doutait qu’il avait cessé de pousser en entrant en cinquième, d’aucuns ne pouvaient croire que le pli dodu qu’il portait tel un tablier n’était à imputer qu’à l’épaisseur de son vêtement. Gérard augmenta de trois degrés le thermostat du chauffage qui se trouvait sur son côté gauche, mais l’autre ne s’en émut que peu. Il rougit davantage, retira son écharpe, dévoilant un menton double, mais ne sembla pas plus incommodé. Ses deux interlocuteurs le remercièrent et le propriétaire du canasson n’attendit pas qu’il ait tourné les talons pour rayer son nom de la liste des pressentis.

Jocelyne partit chercher le suivant qui promettait, lui aussi, une déception. Daniel Rebart se disait jockey expérimenté. Il portait fièrement ses vingt-deux ans, semblait physiquement correspondre aux canons du genre, mais lorsqu’il lui fallut mettre en avant ses trophées, il n’eut que quelques coupes fort peu convaincantes à exhiber. Aucun grand prix, quelques courses de province, rien qui ne se situe du côté de Paris et de ses prestigieux hippodromes.



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