Prisonnières by Adoul Abdou Haji & Ramia Daoud Ilias

Prisonnières by Adoul Abdou Haji & Ramia Daoud Ilias

Auteur:Adoul Abdou Haji & Ramia Daoud Ilias [Haji, Adoul Abdou & Ilias, Ramia Daoud]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Biographie
ISBN: 9782234084711
Éditeur: Stock
Publié: 2018-01-15T00:00:00+00:00


XIII

La folie

Adoul

Al-Mayyedine (Syrie)

Novembre 2015

Ils m’ont encore menti. Et j’y ai encore cru. Il y a deux jours, mon propriétaire turc m’a emmenée au marché avec lui pour acheter des outils. En fait, il avait rendez-vous. Un autre 4 × 4 s’est mis à son niveau. Et il nous a ordonné de descendre, Rouya et moi. Nous sommes montées dans l’autre voiture. Ils se sont dit trois mots avec le chauffeur. L’affaire devait déjà être réglée. Sur le chemin, on s’est arrêtés pour prendre une autre Yézidie, Khalida, un peu plus jeune que moi, assez belle, avec de beaux yeux clairs. Dans la voiture, elle me dit venir du Sinjar, comme moi, et avoir quatre enfants, dont elle ignore le sort.

Nous voici donc dans cette maison à deux étages d’Al-Mayyedine, une ville au sud de Raqqa. Le premier étage est habité par une famille. Nous occupons l’appartement au-dessus, plutôt spacieux, avec de grands canapés, une belle cuisine. Le seul problème est qu’il est entièrement plongé dans le noir. Toutes les fenêtres ont été obstruées par des couvertures. Notre nouveau propriétaire doit être sacrément méfiant pour vivre ainsi. Nous ignorons toujours à quoi il ressemble, mais son chauffeur est passé dans la matinée, l’air préoccupé : « Abou Wissam va arriver, il faut vous tenir prêtes ! » Prêtes à quoi ?

J’ai très vite compris quand je l’ai vu. Comment le décrire ? Une bête, avec une chevelure ébouriffée pareille à la crinière d’un fauve. « Quand je combats, je me mets toujours un produit sur les cheveux, pour les rendre comme ça, m’expliquera-t-il plus tard. Ça effraie l’ennemi. » Effrayant, oui, il l’est, avec son treillis recouvert de boue, son regard noisette acéré comme la lame d’une épée. Il ne doit pourtant pas avoir plus de 30 ans. Il ne prononce pas un mot, reste planté devant nous avant de se diriger vers la salle de bains.

Il en ressort un peu plus tard métamorphosé dans un impeccable qamis couleur sable. Il s’installe sur l’un des fauteuils à côté de nous. Une violence extrême se dégage de son être. « Venez par ici », nous intime-t-il dans un mauvais arabe. Il affirme être égyptien, mais j’en doute. Il doit plutôt être algérien ou marocain. Il continue : « Je vais vous montrer pourquoi je n’étais pas là les deux derniers jours. » Avec Khalida, on se rapproche timidement. Il sort son téléphone portable puis enclenche une vidéo. Lui, au milieu d’une vaste étendue désertique, les cheveux ébouriffés. À côté, des hommes en treillis, des peshmergas, j’en suis certaine, à genoux, les mains liées dans le dos. Il a un couteau immense dans les mains. Il se penche sur son prisonnier. Le sang gicle. Je détourne le regard. Il me prend par les cheveux. « Mais regarde ! Si tu es une vraie musulmane, tu dois avoir assez de force pour voir ça. » J’ai la nausée. Ça continue. Sur l’écran, il hurle « Allah u Akbar ! » et passe au deuxième. Les yeux du supplicié se révulsent.



Télécharger



Déni de responsabilité:
Ce site ne stocke aucun fichier sur son serveur. Nous ne faisons qu'indexer et lier au contenu fourni par d'autres sites. Veuillez contacter les fournisseurs de contenu pour supprimer le contenu des droits d'auteur, le cas échéant, et nous envoyer un courrier électronique. Nous supprimerons immédiatement les liens ou contenus pertinents.