Policiers dans la ville by Quentin Deluermoz

Policiers dans la ville by Quentin Deluermoz

Auteur:Quentin Deluermoz [Deluermoz Quentin]
La langue: fra
Format: epub
Tags: policier, histoire, France, Paris, XIXe siècle, ordre public, représentations
ISBN: 9782859448592
Éditeur: Éditions de la Sorbonne
Publié: 2020-03-26T16:16:02+00:00


Document 4. Affiche de publicité, le réglisse Zan, Eugène Ogé, 1905.

L’illustration ci-dessus, tirée d’une affiche publicitaire pour le réglisse Zan parue en 1905, propose un usage de cette image. Le policier à l’avant-plan est emblématique, le nez rouge évoquant également l’ivrognerie et une certaine bêtise. Le dérangement du maintien de l’ordre et la transformation du bâton blanc, symbole d’autorité, en réglisse Zan, symbole de plaisir, développe un message simple mais efficace : le réglisse en question transforme les moments de contrainte en plaisir. Au-delà de la scène de rue immédiatement perceptible, l’image, par le jeu des bâtons, use nettement de la thématique sexuelle. L’analyse peut être approfondie : l’affaissement viril du policier n’est-il pas la traduction graphique de la perte d’énergie qu’il est en train de subir (et peut-être que récupèrent, en contrepartie, les protagonistes) ? En même temps, il permet de rendre cette transgression moins choquante et de rester dans la gouaille ludique d’une scène parisienne : sous ces traits, le policier en tenue apparaît comme la figure détournable de l’ordre et de l’autorité.

Il faut bien sûr préciser que cette représentation, même visiblement affichée sur les murs, reste circonscrite à son usage publicitaire (vendre le produit, ne pas choquer…). Cette silhouette se diffuse cependant dans un ensemble plus varié de médias, dans les faits divers comme sur les couvertures des magazines. La revue Lectures pour tous, lorsqu’elle évoque les agents, utilise des photos avec, parmi d’autres silhouettes, des policiers exhibant large sourire et ventre proéminent. À un autre bord du spectre politique, les caricatures du Charivari, étudiées pour l’année 1895, mobilisent à plusieurs reprises cette figure au ventre rond, dans des charges évidemment plus mordantes. Le meilleur indice de sa diffusion réside peut-être dans les références furtives, comme « évidentes », à cette image-type. Dans une interview de gardiens de la paix de février 1900, un journaliste campe par exemple le premier de ses interlocuteur par ce qui apparaît alors comme deux mots convenus : « moi, je m’en moque, dit un gros réjoui39 ». De même, le 13 octobre 1892, Le Petit Journal contient, page 3, un petit dessin détaché du reste de la page et comme déposé au hasard. Un gardien de la paix porte un ivrogne qui tient un violon à la main et la légende, prolongeant un cliché éculé, indique : « Si tu aimes jouer du violon, tu vas être servi. » Le dessin, simple, grossier, ne sert sans doute qu’à marquer une respiration dans la lecture des articles. Mais ce policier à peine esquissé est là encore réduit à un gros ventre avec ceinture et képi. Ces adaptations, presque naturelles témoignent à quel point cette représentation est devenue usuelle et confortent cette idée d’une nouvelle silhouette policière. Certes, les images des corps policiers restent plurielles et sont diversement employées selon les effets attendus et les discours tenus. L’agent sec et nerveux, bras en avant, hérité du Second Empire est encore mobilisé. Mais de manière diffuse et complexe, l’embonpoint et la mollesse, avec toutes leurs déclinaisons, deviennent l’emblème physique du gardien de la paix.



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