Oumiak--Le mystère de la mer by Amandine Lambert

Auteur:Amandine Lambert
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Books on Demand
Publié: 2018-04-15T00:00:00+00:00

Le lendemain, sitôt leurs estomacs rassasiés, leurs forces revenues, ils annoncèrent à toute la tribu leurs nouvelles intentions. Il était clair que l’objet magique que j’étais ne pouvait laisser insensible et attirerait inévitablement les convoitises. Les deux opportunistes auront vite compris que Piouaîtsoq ne leur avait pas menti à mon sujet, aux vues de l’abondance de poissons dans nos familles, et ils convièrent le vieil homme pour lui faire part d’une proposition pour le moins malhonnête : une provocation en duel ! La règle était simple et fixée : quiconque remporterait ce combat, il va sans dire déloyal, serait déclaré plus méritant et remporterait le fameux bateau magique. Tous s’y opposèrent bien entendu, mais il est mal vu de refuser un tel duel dans notre pays. Nous devons accepter de perdre si cela est notre destinée.

Et face au plus vigoureux des deux intrus, il se mesura à mains nues, sous les yeux inquiets et attristés de ses compagnons. Le sort en était jeté pour moi comme pour chacun d’entre nous. Sans moi, ils succomberaient bien vite au prochain hiver et à la prochaine famine.

Le vieil Angakok se défendit tant qu’il put mais l’issue de ce combat était prévisible, et il eut tout de même la chance d’être laissé en vie, quoiqu’en piteux état, allongé sur la glace. Et agonisant, gisant dans le froid, il pleura de désespoir jusqu’à sa dernière larme de me voir emmené au loin, moi son seul véritable ami.

Et c’est ainsi, sous les regards dépités des villageois qui tentaient de secourir mon vieil ami, que ces deux voleurs montèrent à bord de leur nouvelle embarcation, en direction de leur campement. En chemin, comme mon pouvoir était indépendant de ma volonté, je me remplissais sans cesse de nourriture, mettant en liesse mes nouveaux propriétaires. Je ne pouvais m’empêcher d’attirer à moi les poissons, et pourtant j’enrageais de leur faire à ce point plaisir. J’avais tant de peine pour mon pauvre Piouaîtsoq et les siens, eux qui avaient toujours tant pris soin de moi. Quel chagrin ce jour-là, de perdre mes amis et de devoir nourrir mes ennemis.

Une fois arrivés à destination, les rescapés du camp accueillirent leurs amis en héros, les aidant à décharger le bateau de toute cette nourriture inespérée ! Les deux compères exposèrent rapidement leurs aventures et firent une démonstration en public de mes pouvoirs miraculeux. Et c’est à tour de rôle que chaque habitant étrenna le nouvel objet magique. A chaque fois, je m’emplissais d’un peu plus, malgré moi, de poissons toujours plus gros et toujours plus gras. Une seule sortie en mer à mon bord aurait suffi à nourrir toute la troupe pour des jours entiers ! Mais il leur en fallait toujours plus.

Et les pêches devinrent de plus en plus abondantes, de plus en plus nombreuses, l’on abusa des richesses de la mer chaque jour un peu plus. Les hommes et les femmes devinrent gras à leur tour. Mais la Nature et les grands Esprits veillaient et je pressentis que ce petit jeu n’allait pas durer bien longtemps.

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