Nocturnes 4 by Connolly

Nocturnes 4 by Connolly

Auteur:Connolly
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Archipel


LES CLOWNS TRISTES

Le cirque passait rarement dans les villes du Nord. Elles étaient trop éloignées les unes des autres et leurs habitants trop pauvres pour justifier les dépenses occasionnées par le transport du personnel, des animaux et du matériel sur des routes mal entretenues, avec pour seule perspective de jouer devant des gradins à moitié vides pendant une semaine. Les couleurs vives de la caravane juraient avec le décor lorsqu’elles se reflétaient dans les nids-de-poule inondés d’eau de pluie de ces contrées isolées, et le grand chapiteau lui-même perdait de son magnétisme et de son éclat sous un ciel grisâtre et une bruine éternelle.

De temps à autre, une vedette oubliée de la télévision s’arrêtait quelques jours pour la saison du mime ou, le temps d’un week-end, le chanteur d’un succès des années 1970 tentait de faire danser la foule dans une boîte triste de banlieue, mais le passage du cirque était exceptionnel. William avait dix ans et ne se rappelait pas avoir déjà vu un cirque dans sa ville, même si ses parents lui parlaient parfois de celui qui avait offert quelques représentations l’année de sa naissance. En fait, sa mère se souvenait des coups de pied que William lui avait donnés dans son ventre au moment où les lumières s’étaient éteintes et où les premiers clowns étaient entrés en piste, comme s’il avait été plus ou moins conscient de ce qui se passait hors de son monde clos. Depuis lors, aucun chapiteau ne s’était plus dressé au milieu du grand pré, à la lisière de la forêt. Aucun lion n’avait plus rugi, aucun éléphant n’avait plus barri. Il n’y avait plus eu ni trapézistes volants ni Monsieur Loyal.

Ni de clowns.

William avait peu d’amis. Les enfants de son âge le rejetaient, sans doute à cause de son trop grand empressement à vouloir faire plaisir, ce qui était le revers d’un aspect plus sombre et plus inquiétant de sa personnalité. Il passait seul l’essentiel de son temps libre et l’école était comme une corde raide tendue entre son besoin de se faire remarquer et sa volonté d’échapper aux mauvais traitements que lui valait une telle attitude. Petit et faible, William n’était pas de taille à affronter ses tourmenteurs, aussi avait-il développé des stratégies pour les tenir à distance. La principale consistait à essayer de les faire rire.

Mais il y parvenait rarement.

La vie dans cet endroit bénéficiait de peu d’éclaircies et ce fut donc avec surprise et ravissement que William vit apparaître les premières affiches multicolores sur les vitrines des boutiques et les lampadaires, ajoutant une note de gaieté aux murs ternes de la ville. Elles représentaient un Monsieur Loyal vêtu de rouge, coiffé d’un haut-de-forme, doté d’une moustache dont les bouts s’enroulaient comme des coquilles d’escargots, et entouré d’animaux (des lions, des tigres, des ours), d’hommes dressés sur des échasses, de femmes en costumes à paillettes s’envolant gracieusement vers leurs trapèzes. Dans les coins figuraient des clowns avec un gros nez rouge et un grand sourire peint sur le visage. La



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