NATHAN LE SAGE by Lessing

NATHAN LE SAGE by Lessing

Auteur:Lessing [Lessing]
La langue: fra
Format: epub
Publié: 2019-04-02T16:00:00+00:00


ACTE QUATRIÈME.

SCÈNE PREMIÈRE.

Le cloître du couvent.

LE MOINE, et un moment après LE TEMPLIER.

LE MOINE.

Oui, oui, il a raison, le patriarche. Il est sûr que je n'ai jamais trop bien réussi dans toutes les choses qu'il m'a confiées. Aussi pourquoi me confie-t-il des choses si importantes? Puis-je donc être un habile homme ? puis-je me rendre persuasif? puis-je fourrer mon nez partout? puis-je mettre la main à tout? Je n'aurais donc renoncé au monde que pour moi seul? et j'aurais à me démêler encore avec le monde pour le compte des autres?

LE TEMPLIER, s'avançant précipitamment vers lui.

Bon frère, vous voilà; je vous cherche depuis longtemps.

LE MOINE.

Moi, monsieur ?

LE TEMPLIER.

Vous ne me connaissez déjà plus?

LE MOINE.

Si fait, si fait; mais je croyais qu'il ne m'arriverait plus de revoir monsieur de ma vie. J'espérais en la grâce de Dieu; car le bon Dieu sait combien me fut amère la commission dont j'ai été forcé de m'acquitter près de monsieur. Il sait si je désirais trouver votre oreille ouverte à mes discours ; il sait combien je me suis réjoui, combien je me suis intérieurement réjoui de ce que vous avez tout rondement, sans grande délibération, repoussé ce qui convenait si mal à un chevalier. Mais, vous revenez, ma proposition a donc opéré ensuite?

LE TEMPLIER.

Vous savez déjà pourquoi je viens?... A peine le sais-je moi-même.

LE MOINE.

Vous avez donc réfléchi : vous avez trouvé que le patriarche n'a point tort; qu'il y a de l'argent et de l'honneur à gagner dans sa commission ; qu'un ennemi est un ennemi, quand bien même il aurait été sept fois notre ange sauveur. Vous avez pesé tout cela aux balances de la chair et du sang, et vous venez vous offrir!... Hélas! mon Dieu !

LE TEMPLIER.

Brave et pieux homme ! soyez tranquille, ce n'est pas pour cela que je viens; ce n'est pas pour cela que je veux parler au patriarche. Je pense encore sur ce point comme je pensais; et je ne voudrais pour rien dans le monde perdre la bonne opinion dont un homme de tant de droiture, de piété, de bonté, m'a honoré; je viens tout simplement demander au patriarche conseil sur une chose…

LE MOINE.

Vous, au patriarche? Un chevalier... à un moine?

(Il regarde autour de lui avec inquiétude.)

LE TEMPLIER. ,

Oui... L'affaire est assez monacale.

LE MOINE.

Cependant le moine ne consulte pas le chevalier, même lorsque l'affaire est chevaleresque.

LE TEMPLIER.

C'est qu'il a le privilège de pouvoir faire des fautes ; ce qu'aucun de nous ne lui envie. Sans doute, si je n'avais à agir que pour moi seul, sans doute, si je n'avais à rendre compte qu'à moi, qu'aurais-je besoin du patriarche ? Mais il y a de certaines choses que j'aime mieux faire mal par la volonté d'autrui, que de les bien faire par la mienne. D’ailleurs je vois bien que la religion est une affaire de parti; et celui qui se croit tout à fait impartial défend cependant son drapeau, même sans le savoir. Puisque cela est ainsi, il faut que ce soit bien.

LE MOINE

J'aime mieux me taire; car je ne comprends pas bien monsieur.



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