Mon grand appartement by Christian Oster

Mon grand appartement by Christian Oster

Auteur:Christian Oster [Oster, Christian]
La langue: fra
Format: epub
Tags: littérature française
ISBN: 9782707331786
Google: c5RSCwAAQBAJ
Éditeur: Minuit
Publié: 2007-03-06T23:00:00+00:00


Jean, donc, en nous guidant vivement vers la sortie de la gare, s’efforçait tout à la fois de me serrer la main et de me prendre un sac, voire deux sacs, dont je me délivrai finalement tandis que se joignaient nos seuls auriculaires, dont nos respectives préhensions nous laissaient l’usage, modeste, du reste, et limité aux premières phalanges. C’était un homme grand, et fort, plus que moi, comme l’attestaient la demi-tête, le quart d’épaule et le bon tiers de ventre dont, dans les trois dimensions connues, il m’excédait avec une sorte d’aisance, où ne se décelait d’ailleurs nulle fatuité. Loquace, de surcroît, et dans un registre si varié qu’avant que nous eussions atteint son véhicule je connaissais déjà, assez exhaustivement, l’histoire de sa famille, la situation dans la Corne de l’Afrique et la courbe, en rapport avec les saisons, m’expliqua-t-il, de sa consommation d’essence. Il consommait moins l’hiver. En Afrique, ça chauffait. Sa famille avait une longue histoire.

Nous démarrâmes doucement, puis roulâmes vite, en ménageant toutefois Flore et les freins à l’approche des feux. Nous parlâmes peu, à l’exception de Jean. Je n’avais personnellement rien à dire, en tout cas sur ma situation, qui me semblait trop instable pour que j’eusse pu seulement me la représenter. Je ne savais pas exactement ce que je faisais là, et j’hésitais à relancer Jean, qui n’en avait nul besoin. Quant à Flore, déjà, en l’absence de son frère, je l’avais si peu sollicitée qu’il me semblait que nous eussions dû songer à faire connaissance avant qu’il ne fût trop tard. A savoir, avant la naissance. La perspective, dans nos rapports, d’une multiplication des intermédiaires commençait de m’inquiéter. Et je me rendais compte qu’il était trop tard pour que nous fussions jamais seuls ensemble. J’avais cru rencontrer une femme et, désormais, chaque fois que j’ouvrirais la bouche, c’est avec sa famille que je risquerais de me lier.

Flore ne se plaignit qu’une fois, lors de la troisième contraction. Elle regarda sa montre. Installée à l’avant, comme l’imposaient l’usage mais aussi la nécessité, elle disparaissait dans son siège. Jean continuait de parfaire ma culture de ses goûts, de ses tracas, de ses phobies. Il avait d’abord celle du vide. Dans la conversation, surtout.

Il fit peu allusion à Flore. J’en conclus que sous son extraversion gisait, assez exsangue, au demeurant, une pudeur qu’il était le dernier à ménager.

L’hôpital n’était pas si distant de la gare que ne le laissaient supposer mes craintes. Nous y fûmes vite. Nous descendîmes de voiture dans le désordre. Jean, puis Flore. Je fermai la marche. Devant le porche, Flore hésita. Tu es déjà venue, quand même, remarqua Jean. Je ne me souviens plus, geignit Flore. Nous lûmes des panneaux. Zone jaune, disait l’un. Urgences Maternité, spécifiait l’autre. Le plus large. Au vrai, on ne voyait que lui. Attendez-moi à l’accueil, proposai-je. On ne sait jamais, avec les hôpitaux. Flore s’assiéra, signifiai-je à Jean. Il est inutile qu’elle suive les flèches pour rien. Je vais voir. Je reviens.

Je préférais prendre en main les choses.



Télécharger



Déni de responsabilité:
Ce site ne stocke aucun fichier sur son serveur. Nous ne faisons qu'indexer et lier au contenu fourni par d'autres sites. Veuillez contacter les fournisseurs de contenu pour supprimer le contenu des droits d'auteur, le cas échéant, et nous envoyer un courrier électronique. Nous supprimerons immédiatement les liens ou contenus pertinents.