Moi aussi je sais voler by Amy Reed

Auteur:Amy Reed [Reed, Amy]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Young Adult Fiction, Paranormal; Occult & Supernatural, Juvenile Fiction, General, Littérature
ISBN: 9782226459459
Éditeur: Albin Michel
Publié: 2021-01-05T23:00:00+00:00

Lydia

Je n’ai pas vu grand-chose du monde, mais je suis à peu près sûre que le bar de Larry figure assez haut sur la liste des endroits les plus déprimants où passer Noël. Je suis à ma place habituelle, avec la fillette assise en silence sur le tabouret à côté du mien, la bande habituelle à l’autre bout du comptoir et le vieux Pete sur sa banquette. C’est perturbant, le temps que je passe avec ces types-là alors que je ne sais pratiquement rien d’eux. Ont-ils une famille avec laquelle ils pourraient être aujourd’hui ? Sont-ils volontairement ici plutôt qu’ailleurs ? Ou n’ont-ils pas le choix ?

Je me répète que c’est un jour comme les autres, que Noël n’est qu’un plan marketing dissimulé sous les atours d’une tradition religieuse à laquelle je ne crois même pas, un événement qui n’est pas digne d’être marqué et encore moins célébré. Mais n’empêche, j’aimerais bien que Billy soit là. Il prend au sérieux les choses comme les fêtes. Il veut qu’elles soient spéciales. Il ne devrait pas être là-bas, dans cette maison, avec ces gens, même si sur le papier ils composent sa famille.

Ce film qui revient tous les ans à Noël est en train de passer à la télé. C’est le genre de comédie qui, en ne changeant que quelques détails, pourrait facilement devenir une tragédie. Ce sont mes comédies préférées, celles qui sont à la limite d’être entièrement autre chose, celles qui font rire de ce qui ferait normalement pleurer. Celle-ci pourrait facilement être l’histoire tire-larmes d’un gamin terrorisé dans une famille maltraitante, avec un père violent et une mère déprimée. Mais en fait, on est censé rire de tous ces cris, de toutes ces insultes. C’est censé être drôle, et non cruel.

Les cheveux mal teints de Larry sont en train de repousser, montrant ses racines grises. En ce moment, je ne trouve rien de plus affreux que sa tignasse. Ça, et son tatouage d’attrape-rêves. Et son obsession pour Licornes contre Dragons. Il est ridicule et il ne comprend rien à rien, mais c’est superficiel, tout ça. Comparé au papa du film, Larry est un ange. Je ne crois pas qu’il ait élevé une seule fois la voix contre moi de toute ma vie. Alors, pourquoi l’ai-je toujours tellement détesté ?

Quelque chose se contracte au creux de mon ventre. Je me sens barbouillée. C’est comme si quelqu’un avait attrapé ma cervelle et l’avait secouée très fort, si bien que les souvenirs et les sentiments qui y étaient bien rangés flottent dans tous les sens, se cognent, mettent le bazar. Je ne peux plus m’arrêter de penser. Les pensées me viennent sans cesse, comme un troupeau lancé au galop, apportant des sacs-poubelles remplis de sentiments, et ces sacs n’arrêtent pas de crever, et les sentiments sont jetés partout, et l’équipe de ménage sur laquelle j’ai toujours pu compter pour balayer tout ça semble être en grève.

Je me rappelle Larry quand ses cheveux étaient encore de la couleur qu’il essaie maintenant de retrouver en les teignant.

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