Mes carnets de pandémie by François Marquis et Marie Lambert-Chan

Mes carnets de pandémie by François Marquis et Marie Lambert-Chan

Auteur:François Marquis et Marie Lambert-Chan
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Les éditions du Journal


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C’est le Dr Marquis!

Faire mes emplettes à l’épicerie est devenu beaucoup plus complexe. Pas parce qu’il y a une file monstre à l’extérieur ou parce que je me perds dans les allées étrangement réaménagées pour préserver deux mètres de distance entre les clients. Non. Simplement, on m’arrête à chaque pas. Les gens me saluent, me sourient, me posent des questions sur le virus…

Je ne suis plus un anonyme. Il y en a beaucoup pour dire que j’ai couru après. Je ne le pense pas; je n’ai pas cherché sciemment à être reconnu dans la rue. Mais il est vrai qu’en participant à des émissions diffusées à une heure de grande écoute, j’étais conscient de cette possibilité. C’est en quelque sorte un effet secondaire de mes interventions publiques. Ce que j’avais toutefois sous-estimé, c’est le pouvoir amplificateur du petit écran. J’avais sans doute une compréhension théorique des conséquences d’une participation quasi quotidienne à des émissions qui touchent des milliers de personnes; le vivre en pratique est un peu différent de ce que j’imaginais.

Cette perte d’anonymat s’est accélérée avec la pandémie, mais elle ne date pas d’hier. J’ai commencé à en observer les effets en 2017, après la diffusion de l’épisode de De garde 24/7 portant sur l’aide médicale à mourir. À l’époque, on discutait de ce sujet sur toutes les tribunes. Tout le monde y allait de son opinion, mais en réalité, le public connaissait peu de choses sur cette question très complexe. Il y avait beaucoup de ouï-dire, d’incompréhension, d’incertitude. Il y avait surtout un tas de questions. Le fait que j’explique la démarche à la télévision a donc eu un énorme retentissement – en plus d’associer mon visage à cet épisode et aux soins de fin de vie. S’il m’apparaissait alors naturel de me faire aborder dans la rue, à Montréal, quelle ne fut pas surprise d’entendre un cri strident en pleine place Saint-Marc, à Venise, que je visitais avec mes parents: «Mon Dieu, c’est le Dr Marquis!» Ça m’a causé un petit choc!

En toute franchise, je croyais avoir atteint là le sommet de ma «célébrité». À mes yeux, c’était tout à fait gérable. Les gens me reconnaissaient, mais demeuraient polis et respectueux. Personne ne me demandait de consultation express à l’épicerie, entre les pintes de lait et les fromages. Évidemment, il y a quelques fidèles de De garde 24/7 qui, à force de me voir au petit écran, ont l’intime conviction de me connaître personnellement. Je ne suis pas du type protocolaire, mais me faire saisir par les épaules avec un enthousiasme débordant dans un lieu public me cause un certain malaise – même si je sais qu’il n’y a là aucune mauvaise intention.

Quoi qu’il en soit, rien ne m’avait préparé aux répercussions de mes interventions diffusées sur tous les canaux pendant des mois. La dernière part d’anonymat que je conservais s’est envolée. À l’hôpital, je me fais constamment interpeller dans les corridors par les patients et les familles. Cela met certains collègues mal à l’aise. D’autres accueillent ces réactions avec un sourire, voire des blagues.



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