Marche ou rêve by Ferdinand Laignier-Colonna

Auteur:Ferdinand Laignier-Colonna
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Héloïse d'Ormesson
Publié: 2022-11-28T07:37:48+00:00

Un fauteuil

Suite à ma chute pathétique, Romain insista pour que je prenne un nouveau fauteuil roulant, un plus léger, plus maniable, avec des roues avant plus grandes pour que le fauteuil ne se bloque plus dans les trous ou entre les pavés.

« Tu es marrant toi ! Ça coûte un bras un fauteuil et je n’ai pas envie de m’emplâtrer de trois mille euros, donc soit on remplit des dossiers de subvention auprès de la MDPH pour voir si je peux gratter quelque chose, soit je laisse tomber. De toute façon, je suis bien dans mon fauteuil, je n’ai pas spécialement envie de le remplacer.

– On peut au moins se renseigner », suggéra-t-il.

Si le traitement fonctionnait, si je guérissais vraiment, je n’aurais plus jamais à me renseigner. L’impatience de savoir ce que je pouvais être sans ce fauteuil et l’allure que je pourrais avoir debout me donnaient, plus que tout, la force de m’en défaire.

Après avoir obtenu une prescription de mon médecin traitant, je rentrai en contact avec une enseigne spécialisée dans le paramédical. Un commercial d’une bonne cinquantaine d’années débarqua dix jours plus tard. Transpirant à grosses gouttes, il portait avec difficulté un attaché-case et une pile de catalogues concernant les différents modèles de fauteuil roulant des marques qu’il représentait. Il était étriqué dans sa chemise noire cintrée et son ventre débordait au-dessus de la ceinture de son jean trop serré. Ses cheveux coupés courts, grisonnants, et sa barbe lui conférant un air faussement négligé, lui allaient plutôt bien. Dynamique, il avait l’apparence d’un quinqua qui voulait paraître plus jeune. Et ses efforts payaient, je lui aurais donné quelques années de moins.

« Bonjouuur jeune homme ! claironna-t-il. C’est donc vous le cascadeur ! L’homme qui valait trois milliards ! Ce sont les aléas du métier ! Vous avez essayé d’attraper une jolie demoiselle et hop ! On vous a fait un croche-patte. Il faut bien que jeunesse se fasse, me direz-vous ! »

Je n’avais rien dit puisqu’il m’accablait de phrases interminables à l’humour daté, parlant fort avec de grands gestes et sans marquer de pause.

« Je suis Bernard ! m’annonça-t-il fièrement, et nous allons vous trouver un carrosse à la hauteur de vos envies.

– À la hauteur de mon portefeuille surtout, coupai-je en regardant Romain qui s’était libéré pour l’après-midi. Son avis m’importait grandement parce que c’était lui qui me poussait la majeure partie du temps.

– Oh, vous savez monsieur, si j’ai bien appris quelque chose durant mes vingt ans d’expérience dans ce métier, c’est qu’on ne transige pas avec la santé ! Jamais ! Et là, nous parlons de celle de votre frère… » dit-il en se tournant vers Romain.

Ce dernier ne releva pas car il se considérait comme tel. Ça me touchait.

« Rien n’est trop cher pour votre bien-être ! J’ai dans ma manche, croyez-moi, une multitude de fauteuils à vous présenter et le prix ne doit pas être un frein. Je ne laisserai jamais l’argent prendre le pas sur la santé ! Question de principe. J’ai des tonnes de choses à vous montrer.

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