Manifeste animaliste by Corine Pelluchon

Auteur:Corine Pelluchon [Pelluchon Corine]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Philosophie
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00

4. LES TROIS NIVEAUX DU COMBAT POLITIQUE

Il y a trois niveaux, en politique, sur lesquels il convient de s’appuyer pour réformer une société.

Le premier niveau est normatif. Il est lié aux fondations éthiques et philosophiques de cette société.

Le principe qui consiste à prendre en compte les intérêts des animaux dans la définition du bien commun ne résulte pas d’une adhésion immédiate : non seulement il va à l’encontre de nombreux intérêts humains, mais, de plus, nos passions nous divisent et nous ne sommes pas sûrs, comme le dit Hobbes, de vouloir demain ce que nous voulons aujourd’hui. Même l’intérêt bien compris, qui devrait nous conduire à éviter la guerre, ne suffit pas à produire un accord entre les individus. À la différence des animaux grégaires, comme les abeilles et les fourmis qui voient immédiatement où est le bien commun, nous avons besoin de l’institution politique et de la force contraignante des lois pour créer les conditions d’une paix durable et réaliser la justice.

Cela vaut pour tous les principes de la justice et pour tous les grands combats, comme l’abolition de la peine de mort. Celle-ci n’a pas résulté de la somme des opinions ni d’un référendum. Elle a été le fruit d’une décision rationnelle et argumentée actualisant ce qu’il y avait de plus noble dans notre civilisation et s’enracinant dans sa tradition. La justice n’est pas une passion. Ses principes ne sont toutefois pas imposés de manière arbitraire ; ils se fondent sur une philosophie qui éclaire le sens de l’existence humaine et de l’association politique, comme nous l’avons montré dans un précédent ouvrage, Les nourritures. En outre, ils sont reconnus grâce à un processus délibératif, et non inventés de toutes pièces, comme s’ils n’avaient rien d’objectif.

Pour toutes ces raisons, le cadre du contrat social est pertinent. Car il désigne une convention entre les humains, c’est-à-dire que le bien commun n’est pas donné a priori, mais doit être recherché et institué. Le contrat social, qui est une norme et non un fait et souligne le caractère artificiel de l’État, est une convention passée entre des humains. Il s’agirait de faire figurer explicitement la prise en compte des intérêts des animaux parmi les finalités du politique. En étant consignés dans sa Constitution, les principes sur lesquels repose la justice d’une communauté politique acquièrent une force et une visibilité qui contribuent à les faire respecter.

Le deuxième niveau sur lequel il convient de s’appuyer pour réformer la société est le niveau représentatif. Pour que la prise en considération des intérêts des animaux, devenue une finalité de l’État et un principe constitutionnel, soit réelle et qu’on fasse en sorte que la question animale soit examinée de manière transversale, dans toutes les politiques publiques, il est nécessaire de compléter la démocratie représentative.

Les représentants sont nécessairement plus préoccupés par les intérêts des représentés, qui sont des humains auxquels ils doivent leur mandat, que par le sort des animaux. Pour que la question animale ne soit pas éclipsée par nos préoccupations immédiates, il convient donc de désigner

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