L'invention des ailes by Monk Kidd

L'invention des ailes by Monk Kidd

Auteur:Monk Kidd
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: JC Lattès
Publié: 2014-01-15T00:00:00+00:00


Sarah

Je fis le pénible voyage de retour vers Philadelphie, où je trouvais à me loger dans la même maison de Society Hill où Père et moi avions pris pension auparavant, décidée à ne rester que le temps d’attendre le départ du bateau. Mais le matin prévu, ma malle fermée et la voiture arrivée, quelque chose d’étrange et d’inconnu en moi regimba.

Mrs. Todd, qui me louait la chambre, frappa à ma porte. « Miss Grimké, la voiture – elle vous attend. Puis-je envoyer le cocher prendre votre malle ? »

Je ne répondis pas immédiatement, mais restai debout devant la fenêtre à regarder la vigne bien fournie sur la palissade, la rue pavée bordée de sycomores, la lumière qui formait des dessins mouchetés et, entre mes dents, je chuchotai : « Non. »

Je me tournai vers elle en dénouant mon bonnet. Il était noir avec un petit volant, parfait pour un deuil. Je l’avais acheté la veille dans High Street, seule aux commandes dans les boutiques, n’ayant de comptes à rendre qu’à moi-même, puis j’étais revenue dans cette chambre simple où il n’y avait ni domestiques ni esclaves, pas de mobilier excessif avec filigrane ou doré à la feuille, personne pour m’obliger à prendre le thé avec des visiteurs qui ne m’intéressaient nullement, aucun devoir d’aucune sorte, rien que cette petite chambre dans laquelle je m’occupais de tout toute seule, même de refaire mon lit et de veiller à mon linge. Je me tournai vers Mrs. Todd. « … J’aimerais garder la chambre un peu plus longtemps, si c’est possible. »

Elle eut l’air perplexe. « Vous ne partez plus comme prévu ?

— Non, je voudrais rester un peu plus longtemps. Pas très longtemps. »

Je me dis à moi-même que c’était parce que je voulais pleurer la mort de Père en solitaire. Vraiment, était-ce si difficile à croire ?

Mrs. Todd était l’épouse d’un clerc de notaire qui tirait le diable par la queue et elle vint me serrer la main. « Vous pouvez rester aussi longtemps que vous le souhaitez. »

J’écrivis une lettre déférente à Mère, expliquant l’inexplicable : Père était mort et je ne rentrais pas directement à la maison. J’ai besoin de le pleurer seule.

La réponse de Mère arriva en septembre. Sa petite écriture serrée était saturée d’encre et de colère. Ma conduite était honteuse, égoïste, cruelle. « Comment as-tu pu m’abandonner dans les heures les plus sombres de ma vie ? » écrivait-elle.

Je brûlai sa lettre dans la cheminée mais ses mots me laissèrent des contusions de culpabilité. Il y avait du vrai dans ce qu’elle avait écrit. J’étais égoïste. J’avais abandonné ma mère. Nina, également. J’avais de quoi m’inquiéter mais je ne fis pas ma malle.

Je passai mes journées comme une fausse malade. Je dormais quand j’étais fatiguée, souvent au milieu de la journée. Mrs. Todd renonça à me voir aux heures prévues pour les repas et mit ma nourriture de côté dans la cuisine. Je l’emportais dans ma chambre à des heures étranges, puis je lavais moi-même la vaisselle.



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