L’invention de l'Église by Bénédicte Sère

Auteur:Bénédicte Sère [Sère, Bénédicte]
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 9782130818809
Éditeur: Presses Universitaires de France
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00

CURIALISME ET ANTI-RÉFORMISME

La période des papes d’Avignon concentre ses appels à la réforme pour la tête seulement et non pour les membres, mais ces appels à la réforme se font contre la Curie avignonnaise. Ainsi Pétrarque, Brigitte de Suède et Catherine de Sienne formulent-ils leur virulence contre les prélats et les cardinaux au train de vie provocateur. En ce sens, se rejoignent les courants réformateurs puisque certains papes avignonnais comme Benoît XII (1334-1342), qui fustige l’absentéisme en expulsant tous les prélats ayant des responsabilités pastorales ailleurs. Il requiert et exige plus de soin dans le choix des prêtres et des évêques92. Innocent VI et Urbain V ont prolongé les réformes de Benoît XII concernant l’absentéisme, l’examen des candidats et l’éducation des prêtres93. À la même date, réformer devient un mot d’ordre politique fort depuis le conflit entre Philippe IV le Bel et Boniface VIII94.

L’historiographie et la documentation autour du cardinalat, au temps d’Avignon puis du Grand Schisme, peut éclairer une histoire de l’anti-réformisme. Souvent, on lit le Grand Schisme comme un refus des cardinaux face aux réformes brutales d’Urbain VI, lequel n’a jamais été cardinal. Jacques de Sève, en 1378, narre la manière dont la mise en œuvre par Urbain VI de la réforme fut à l’origine de la rébellion des cardinaux, notamment français. Cette explication du Grand Schisme par l’anti-réformisme cardinalice et curialiste devrait être creusée, tant les sources y reviennent. Pour Henri de Langenstein, le Schisme a commencé à cause des cardinaux français qui ont résisté aux tentatives de réforme d’Urbain VI95. Une position à nuancer et à affiner cependant puisqu’Urbain VI, non cardinal, est cependant un ancien curialiste d’Avignon, ce qui prouve assez qu’au sein de la Curie circulaient des tendances réformistes et des tendances anti-réformistes.

S’il est vrai qu’au début du Schisme, les cardinaux ont la part belle puisqu’eux seuls étaient présents pour narrer les faits par le témoignage de leur présence et de leur vécu des faits, par la suite, il est vrai, le collège cardinalice vit une des crises les plus fortes de son histoire. Noël Valois parle d’une « crise effroyable au temps du concile de Constance96 ». « On a pu dire que les cardinaux étaient les grands vaincus du Schisme », ajoute-t-il. Il est vrai, la fuite de Jean XXIII à Constance, le 20 mars 1415, a aggravé la fragilité de la position des cardinaux. Conscients d’avoir moins d’influence à Constance qu’ils n’en ont eu à Pise, les cardinaux se sentent d’autant plus déstabilisés que le 2 mai 1415, avant d’ouvrir la septième session, on les informe qu’ils n’auront plus le droit de voter comme cardinaux mais devront le faire comme membres de leurs nations respectives. Dans son traité De emendatione Ecclesiae, Pierre d’Ailly se plaint de cette atteinte à la prestance cardinalice et à son autorité au sein d’une instance conciliaire. Pour rendre compte de la crise du collège cardinalice, il se fait alors historien et relate l’origine du Sacré Collège, d’où l’offensive idéologique d’une ecclésiologie cardinalice et du débat autour de l’élection du pape avant la réforme.

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