L'horloger d'Everton by Simenon Georges

Auteur:Simenon, Georges [Simenon, Georges]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Roman
ISBN: 9782070116751
Éditeur: Presses de la Cité
Publié: 1954-06-24T23:00:00+00:00

CHAPITRE VI

Cette nuit-là fut un peu comme une nuit qu’on passe dans un train, tantôt somnolant, tantôt dormant d’un sommeil accablé à travers lequel on reste cependant conscient du bruit rythmé des roues, des gares ou l’on s’arrête avec un sifflement de vapeur, de l’homme à la lanterne qui frappe du marteau sur les essieux tandis que des voix inconnues s’interpellent d’un quai à l’autre.

Quand, par exemple, Musak lui toucha l’épaule, il savait qu’il était dans son fauteuil et non dans son lit, et que c’était pour les nouvelles de minuit qu’on le réveillait. Il se demanda si Musak s’était assoupi aussi, n’osa pas lui poser la question, se frotta les yeux, vit que le niveau avait baissé dans la bouteille de whisky. Les lampes de la radio chauffaient déjà, des voix sortaient du silence, devenaient si vibrantes qu’il fallait baisser l’appareil.

C’était la fin d’une émission dramatique. Une femme et un homme décidaient de raccommoder tant bien que mal leur vie à deux. Il ne remarqua pas le commercial.

« Mesdames et messieurs, comme nous vous avons annoncé il y a un quart d’heure par un bulletin spécial… »

Ni Musak ni lui n’avaient pensé qu’il pourrait y avoir un communiqué spécial et ils s’étaient contentés de prendre la radio aux heures habituelles.

« … la chasse au meurtrier de seize ans, Ben Galloway, qui durait depuis près de vingt-quatre heures, s’est enfin terminée ce soir, un peu avant 11 heures, dans une ferme de l’Indiana, où le couple en fuite a cherché refuge sous la menace d’un automatique. Des coups de feu ont été échangés avec la police et un sergent a été atteint d’une balle dans la hanche. Ben Galloway et sa compagne de quinze ans et demi, Lillian Hawkins, tous les deux indemnes, ont été dirigés sur Indianapolis.

« Pour plus amples informations, lisez demain matin votre journal habituel. »

Peut-être Musak fut-il un peu surpris par la réaction de son ami ? Galloway poussa un soupir qui ressemblait à un soupir de soulagement, ses nerfs se détendirent d’un seul coup et il se leva, se frotta les yeux en regardant autour de lui d’un air de dégoût, comme écoeuré par l’atmosphère dans laquelle il s’était enlisé depuis le matin.

C’était fini. Il n’avait plus besoin d’attendre, de rester là comme en suspens. Sa première pensée fut qu’avant de s’en aller il devait prendre un bain et se raser, car il avait l’impression de sentir la mauvaise sueur.

« Je descends au magasin pour téléphoner à l’aéroport », annonça-t-il.

Cela lui semblait naturel. Il allait voir Ben, lui parlerait. Ben s’expliquerait, lui dirait toute la vérité car, à sa connaissance, son fils ne lui avait jamais menti.

Cela l’agaça que Musak descende avec lui. Il n’avait plus besoin de personne. C’était tout simple, à présent ; il prendrait le premier avion pour Indianapolis et il verrait Ben.

Dans la bijouterie, Musak, le premier, décrocha le récepteur de l’appareil en disant :

« Il vaut mieux que ce soit moi qui téléphone. »

Il ne comprit pas pourquoi. Puis en

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