L'héritier de Moriarty by Annelie Wendeberg

Auteur:Annelie Wendeberg [Wendeberg, Annelie]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Policier
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00

15

Sherlock engloutissait un toast, le visage caché sous une moustache des plus comiques, rayonnant d’énergie. Dans la salle à manger de l’hôtel, personne ne faisait attention à nous. Les autres clients parlaient à voix basse, faisant tinter l’argenterie contre la porcelaine, les yeux fatigués après les sorties de la veille au soir.

Son invitation à descendre prendre le petit déjeuner en sa compagnie était arrivée en tout début de matinée, alors que Garret dormait encore et que Barry était sorti se dégourdir les jambes avec son chien dans le quartier. J’avais l’estomac dans les talons quand je pris place à sa table. Une assiette de toasts tièdes apparut, présentée par une main gantée, assistée d’une serviette blanche bien pliée sur un bras émergeant d’une veste noire sans un faux pli. En dessous, un pantalon noir, et des souliers cirés qui claquèrent lorsque le serveur s’éloigna.

Sherlock me servit du thé pendant que j’essayais d’apaiser ma fringale.

— Comment se porte Watson ? demandai-je.

— Ce cher ami s’est vite remis. Il n’a cependant pas réussi à retenir un mouvement réflexe du bras droit.

— Il vous a donné un coup de poing ?

J’en oubliai mon toast un instant.

Sherlock leva le menton pour le soumettre à mon examen.

Je détectai un léger bleu.

— Il devait être encore un peu groggy vu le peu de dommages causés. Un direct, fis-je en mimant le geste, étendant le bras vers la pointe de son menton. Je dirais qu’un crochet aurait eu plus de vélocité, et donc que l’impact aurait été plus fort, et vous aurait touché davantage sur le côté. Vous vous êtes laissé faire ? m’étonnai-je après une courte pause.

— Il méritait de se défouler. Encore quelques toasts ?

Ayant remarqué que j’avais terminé les miens, il m’offrait ceux qui étaient de son côté de la table. Je tendis le bras et lui volai par la même occasion ses œufs et son bacon.

— Merci. Pourquoi tenez-vous tant à faire croire que vous êtes mort ?

— Ça me fait des vacances.

Il se carra sur sa chaise, chassant des miettes de sa veste.

— Il y a plusieurs choses que je souhaite pouvoir accomplir sans que l’on soupçonne que cela vient de moi. Seul Moran m’a vu m’en tirer. Les rares personnes à qui il en parlera ne prêteront foi à ce qu’il raconte que dans la mesure où elles lui font confiance. Cela ne va donc pas durer. La version finale du dernier récit de Watson me sera d’une grande aide. Je l’ai lue. Cette histoire va profondément attrister le public. Il doit la publier le plus vite possible. La nouvelle va se répandre comme une traînée de poudre.

Les yeux pétillants, il ajouta :

— Avant que je poursuive, dites-moi pourquoi vous avez déjà bouclé vos bagages.

Comment avait-il deviné ? Je décidai de ne rien lui montrer de ma surprise ni de ma curiosité. Confortablement adossée à ma chaise, je l’observai tranquillement. Son air de jubilation le quitta, et je le vis se préparer à une joute verbale.

— J’ai le projet, dis-je dans un bâillement, d’acheter une petite ferme à Dymchurch pour mettre mes amis à l’abri.

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