Les yeux de la terre folle by Philippe Pastor

Les yeux de la terre folle by Philippe Pastor

Auteur:Philippe Pastor [Pastor, Philippe]
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 2265000124
Éditeur: FNA 1929
Publié: 1993-01-24T05:00:00+00:00


CHAPITRE IV

Rogar et les guerriers faisaient de leur mieux pour maîtriser leur peur. Vox se mêla à eux et les écouta échanger des propos inquiets sur la présence du fauve. Ces créatures se tenaient d’ordinaire loin des hommes ; leur proximité ne pouvait être que le présage d’une catastrophe prochaine. Une grave menace pesait sur la tribu. Vox intervint pour dire qu’il n’avait jamais auparavant vu un tel animal. À quel point était-il dangereux ? Les guerriers surexcités se mirent à parler tous à la fois et Rogar imposa à grand-peine le silence pour répondre à Vox :

— Les Eschaks sont l’âme de la planète folle, ils sont les yeux par lesquels elle regarde ses créatures. Les Eschaks sont les plus puissants de ses enfants. Elle les protège et ils partagent sa folie. Parfois un Eschak emporte un guerrier, et lorsque nous voulons nous battre les pensées folles de la planète viennent dans notre tête, et nos lances manquent l’Eschak, et nos flèches filent au-dessus de sa tête comme des oiseaux, et l’Eschak n’est pas inquiété.

Après une pause dramatique, il ajouta :

— Les signes sont alarmants. La planète nous observe. Peut-être veut-elle que les guerriers meurent.

— Ça m’étonnerait, fit Vox.

Les hommes se remirent à parler simultanément, en proie à une fébrilité inquiète qui se traduisait par des trépignements, des bras levés au ciel en de rageuses suppliques, des cris rauques de stupéfaction et d’angoisse. Vox entendait, au-delà du cercle, les femmes se lamenter sur un mode suraigu. Il essaya de prendre la parole mais le tumulte était trop grand. Il quitta l’assemblée et profita du répit pour s’asseoir dans l’herbe. Il n’y avait rien d’étonnant à ce que l’Eschak l’ait choisi comme interlocuteur. S’il en était de même avec les autres tribus, la race Eschak était l’incarnation des plus profondes terreurs des hommes : une mutation non seulement viable mais supérieure, instinctivement assimilée à un danger mortel ; l’humanité connaissait une nouvelle préhistoire, et celle-ci aussi avait ses grands fauves.

— Nous ne tuons des hommes que très rarement, fit la voix sous son crâne. Des malades, des stériles.

— C’est un raisonnement de prédateur. Un être doué de raison…

— Je suis un prédateur, l’interrompit la voix. Je suis un fauve, né pour chasser, pour tuer. Les choses sont ainsi faites, et je te conseille de t’en accommoder.

— À quoi vous sert votre intelligence ? fit mentalement Vox.

Il perçut dans son crâne une onde d’amusement glacé.

— Elle m’aide à débusquer facilement mes proies. L’évolution peut suivre des chemins différents, homme. Ta race a utilisé ses capacités intellectuelles à construire une barrière entre lui et son environnement. Elle a créé des outils et des techniques pour le rendre inoffensif et insipide, à l’image de ses désirs et surtout de la peur grandissante qu’elle éprouvait à son égard.

— La peur émit Vox.

— Oui, la peur ! fit la voix du fauve. La dépendance entraîne la peur. Vous êtes devenus des esclaves de votre technologie ; sans elle, qu’étiez-vous ? Des proies. Votre quête de liberté s’est transformée en peur.



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