Les Voleurs du Nil by Koenig Viviane

Auteur:Koenig Viviane [Koenig Viviane]
La langue: fra
Format: epub
Publié: 2015-01-07T23:00:00+00:00

19. Merci, vieux frère

Dans les ténèbres glacées de cette nuit d’été, les couinements stridents des chauves-souris brisent le silence. Adossé au mur de pierre peinte de cette chapelle inconnue, Biôn ne craint plus ces drôles de bêtes, aussi laides qu’inoffensives. Il les écoute d’une oreille distraite et souffle sur ses doigts pour les réchauffer. Il se sent bien après ce copieux repas, le premier depuis longtemps, Le chaton gris et blanc, son chaton désormais, somnole sur ses genoux. Comment a-t-il fait pour le rejoindre à l’autre bout du cimetière ? Mystère.

– Tu crois qu’il m’aime, Hermôn ?

– Humm, laisse-moi dormir ! Tu devrais en faire autant.

Il somnole, emmitouflé dans un chiton rehaussé d’or. Biôn le surveille comme une mère son enfant. Il scrute son visage aux joues creusées par la fatigue et la tristesse. Que deviendrait-il sans lui ? Un cadavre dévoré par les vautours, les hyènes et les chacals. Il préfère ne pas y penser.

Soudain, sans qu’il sache pourquoi, l’inquiétude le submerge. Biôn sent comme une angoisse flotter dans l’air, l’attraper à la gorge et serrer à faire mal. Un danger approche, l’enveloppe, le cerne, invisible et cruel. Tous les sens en alerte, il se lève, il entrouvre la porte de la chapelle. Comme il déteste maintenant ce ciel démesuré où se cramponnent des étoiles hostiles et une lune glaciale ! Il fouille l’obscurité, ne discernant que des tombes, des tombes à perte de vue, des morts par centaines, par milliers... Il chancelle sur ses jambes squelettiques d’enfant mal nourri. Il devine une, non deux ombres, là, sur le sentier. Qui est-ce ? Un vivant ou un fantôme ? Le mort qu’il a volé et qui réclame vengeance ?

Biôn découvre peu à peu deux hommes : un vieil Égyptien un bâton à la main et un beau jeune homme armé d’arc et de flèches.

C’est Éros qui rit de la frayeur de l’enfant et regrette un instant d’avoir à perdre ce petit au regard si doux, empreint de gentillesse… Mais un pari est un pari et il veut le gagner ! Plus résolu que jamais, il pousse devant lui son vieux compagnon d’un soir, une fripouille notoire, voleur de naissance, menteur de profession, tueur par vocation, un de ces prisonniers recherché par toutes les polices du royaume, la cruauté à visage humain.

– Va et frappe fort ! murmure le dieu à son oreille. Songe à la récompense promise et agis comme il te plaît.

– J’fais toujours ce qui m’plaît et j’déteste les ordres, gronde la vieille canaille.

– Baisse le ton, exige Éros. On pourrait nous entendre.

Trop tard, Biôn les a entendus. Affolé, il se précipite dans la tombe, secoue le dormeur et lui hurle un énergique : « Il faut partir ».

Les deux amis quittent leur refuge. Ils courent de toutes leurs forces, droit devant eux. Une palme craque sous leurs pas, un caillou roule, une pierre bascule. Ils se faufilent entre les tombes, espérant semer leurs poursuivants.

Certain que les battements de son cœur retentissent comme un tambourin un soir de fête, Biôn avance vite, trop vite.

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