Les ruses de la nature by Martin Stevens

Les ruses de la nature by Martin Stevens

Auteur:Martin Stevens [Stevens, Martin]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Literary Collections, Essays
ISBN: 9782283031414
Google: Q9FHDwAAQBAJ
Éditeur: Buchet/Chastel
Publié: 2018-01-10T23:00:00+00:00


Chapitre VI

Bluff et surprise

Lorsqu’un prédateur attaque, la proie a tout intérêt à fuir aussi vite que possible, pourrait-on penser. Pourtant beaucoup d’espèces ne le font pas. Au lieu de ça, elles se mettent à agir de manière un peu erratique, exhibent certaines parties remarquables de leur corps, courent au hasard dans tous les sens, voire sautent sur place. Dans les années 1960, les chercheurs supposaient que ces comportements qualifiés d’« imprévisibles » (protean), ou « déimatiques » (deimatic), étaient adaptatifs, visant à semer la confusion et à désorienter les prédateurs, permettant de gagner du temps pour fuir (au-delà de simples manœuvres dilatoires) 1. Au chapitre V nous avons évoqué le mimétisme batésien : des animaux inoffensifs, parce qu’ils ressemblent à des espèces dangereuses ou indigestes, évitent l’attaque de prédateurs. Le mimétisme batésien, en empêchant l’agression avant qu’elle ait lieu, fait partie de ce que l’on appelle les « défenses primaires ». Pourtant les animaux ont aussi recours à des défenses secondaires, qui entrent en jeu dès lors que l’assaut est lancé. Certaines espèces échappent au danger grâce au bluff, non par mimétisme, mais par la surprise ou l’imprévisibilité, poussant le prédateur à marquer une pause, voire à abandonner la partie. D’autres jouent sur la confusion, la manipulation qui permettent à la proie d’en réchapper avec un minimum de dégâts. Ce nouveau chapitre sera précisément consacré à toutes ces défenses secondaires.

Parmi les défenses déimatiques les plus étudiées se trouve l’intimidation. Il s’agit d’un brusque changement dans l’apparence d’un animal, par exemple l’exhibition de motifs, de couleurs vives ou le retentissement de bruits soudains. En temps normal, les animaux qui utilisent cette tactique font partie de ceux qui pratiquent le camouflage (défense primaire), mais ils en viennent à effaroucher l’ennemi si celui-ci les repère. Par exemple, un papillon de nuit, camouflé par sa couleur ton sur ton sur un tronc, déploie brusquement ses ailes arrière à l’approche d’un oiseau, abandonnant son marron terne pour découvrir un rouge et noir lumineux. L’idée générale est que le prédateur, surpris par cette apparition brutale, reste tellement confus qu’il hésite, voire renonce, à attaquer. Ce comportement d’intimidation est très répandu chez divers groupes d’insectes, dont les papillons de nuit et les sauterelles, mais il a également été signalé ou étudié sur des animaux aussi divers que la seiche, les oiseaux, ou même des organismes des grands fonds marins qui provoquent une vive explosion de lumière bioluminescente.

Les questions clés sont les suivantes : cette exhibition surprise fonctionne-t-elle, si oui pourquoi et avec quelle efficacité ? Jusqu’aux années 1980, la plupart des travaux sur le sujet restaient anecdotiques et fondés sur la seule observation. Mais une série de recherches supervisées par Ted Sargent, de l’université du Massachusetts, ont testé quels étaient les facteurs entrant en jeu pour déclencher la défense par intimidation. Sargent étudiait des papillons de nuit, les lichénées d’Amérique du Nord, du genre Catocala qui rassemble des espèces dont les ailes se dissimulent parfaitement à la surface des arbres, mais qui sont souvent dotées d’ailes postérieures bariolées susceptibles de déstabiliser les prédateurs lorsqu’elles apparaissent brusquement.



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