Les pigeons de Paris (nouvelle) by Arbol Victor Del

Les pigeons de Paris (nouvelle) by Arbol Victor Del

Auteur:Arbol, Victor Del [Arbol, Victor Del]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Nouvelles
Éditeur: Edition de la Contre Allée
Publié: 2016-07-10T22:00:00+00:00


Je divague, je le sais. Vous m’écoutez en guettant le moment où mes paroles vous conduiront quelque part. Vous êtes impatients, comme tout le monde. De la même façon que je n’ai jamais été religieux, je n’ai jamais été méthodique non plus. Ni dans mes idées ni dans mes actes. Des intuitions, des soupçons, au petit bonheur, de côté et d’autre. Au moins, j’ai toujours été conscient que ma volonté ne m’appartenait pas, que je n’ai jamais été le capitaine de mon âme. Je n’avais pas la trempe pour affronter les avatars du Destin. Je n’avais qu’à me laisser porter. Mon père disait, à moi comme à d’autres – et pour lui je faisais partie des autres – : advienne que pourra, il faut simplement laisser la vie accomplir son travail. Si vous fumez trois paquets par jour, vous mourrez du cancer, si vous buvez à toute heure, votre foie explosera, si vous plongez nu dans la rivière en janvier, vous mourrez d’hypothermie. Pour mon père, le seul travail de la vie était de vous laminer jusqu’à la fin, de vous conduire à votre destin tragique, un trou dans les montagnes ou derrière le mur blanc du cimetière, comme c’est l’usage aujourd’hui.

Une seule fois j’ai fait face. Ce moment de gloire qui nous est réservé et qui nous aidera à survivre, avec un peu de chance, aux heures amères de la défaite.

Vous souriez. Vous avez deviné. Après tout, vous n’êtes peut-être pas ces cœurs de fer qu’on prétend. Le doute et la curiosité vous rongent aussi. Retranchés derrière ces lunettes ridicules, derrière vos chiffres, graphiques, probabilités et budgets, vous cherchez des miroirs. Comme tout le monde.

En effet. Je suis allé la chercher. Je suis allé à Paris. Pour Clio.

Trop d’années s’étaient écoulées. Je l’ai compris au premier tremblement de ma main droite sur la rampe de l’échelle qui descendait de l’avion à l’aéroport d’Orly. Une hôtesse avec un foulard multicolore autour du cou et un chignon maintenu par des épingles me demanda si j’allais bien. En espagnol. Les hôtesses de l’air ont le don des langues que Jésus a accordé aux apôtres pour répandre sa Parole. La petite plaque pleine de drapeaux fixée sur sa veste bleue, sous son nom, en était la preuve. Je lui répondis par un monosyllabe affirmatif et un hochement de tête pour le confirmer. C’est l’émotion, lui dis-je dans un français qui a toujours fait rire les Français – tu parles comme une vache espagnole. Elle m’a souri, et son sourire était sincère, comme celui qu’une jeune fille de bonne famille adresse à l’aïeul qui lui raconte ses guerres en attendant l’autobus. Je n’ai jamais su distinguer la bonté de la condescendance dans le sourire d’une jolie femme.

Il pleuvait sur l’aéroport d’Orly, et la pluie lavait les avions immobiles, les dotait d’un éclat spécial, d’une promesse d’évanescence et de liberté. Les deux à la fois, de là-haut, quelle que soit leur destination. L’asphalte interminable et droit de la piste inspirait sérénité et simplicité. Rien à



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