Les nouveaux visages du fascisme by Régis Meyran Enzo Traverso

Les nouveaux visages du fascisme by Régis Meyran Enzo Traverso

Auteur:Régis Meyran Enzo Traverso [Enzo Traverso, Régis Meyran]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Éditions Textuel
Publié: 2017-04-19T22:00:00+00:00


Islamisme radical ou « islamo-fascisme » ? Daesh à la lumière de l’histoire du fascisme

Plusieurs personnes, dans le monde intellectuel ou politique, ont esquissé la comparaison entre Daesh et les fascismes du XXe siècle. Quelle est votre opinion sur le terme d’« islamo- fascisme » ?

Je voudrais dire d’emblée, à ce point de notre conversation, que je ne suis ni un spécialiste de l’islam, ni un historien du monde arabe, mais une approche comparative de la crise qui traverse aujourd’hui le Proche-Orient avec l’histoire européenne des fascismes ne me semble pas dépourvue d’intérêt. Elle peut même se révéler éclairante, si on prend les précautions nécessaires et on évite de transposer mécaniquement l’une sur l’autre des expériences historiques distinctes. Une réflexion comparatiste devient par ailleurs nécessaire lorsque la catégorie de fascisme est utilisée par des analystes et des leaders politiques. Ce qui me gène, dans le terme d’islamo-fascisme, c’est son caractère équivoque et ambigu. Tout le monde l’utilise, en lui donnant des significations et pour atteindre des buts différents. Nous l’avons entendu dans la bouche de George W. Bush, Nicolas Sarkozy et, plus récemment, Manuel Valls, dans les discours de Marine Le Pen et dans les écrits de quelques intellectuels, de droite comme de gauche, et même d’extrême gauche – le philosophe Alain Badiou notamment, à plusieurs reprises, a parlé de fascisme à propos des attentats commis au nom de Daesh. Cela crée une certaine cacophonie. Sauf exception, il s’agit d’un terme brandi dans le combat politique plutôt que d’une catégorie analytique. En fait, je suis méfiant vis-à-vis de ce concept, aussi bien par les usages politiques qu’il suscite que par sa pertinence intrinsèquement faible.

Dans les médias, les mécanismes d’adhésion à Daesh et les comportements de ses membres ont été comparés à plusieurs reprises au nazisme. La comparaison ne se justifie-t-elle pas en partie dans la mesure où on trouve chez ces individus une pulsion de mort, un appétit pour la destruction, un mépris de la vie qui rappelle à certains égards le nazisme ?

Mais le nazisme n’est pas réductible à une pulsion de mort ou à un appétit pour la destruction. Mes réserves ne visent pas, bien entendu, à minimiser l’atrocité des crimes commis par Daesh, un groupe qui se caractérise par sa barbarie, sa violence extrême. On pourrait même observer que, à la différence du nazisme qui essayait d’occulter ses crimes, par exemple en cachant l’existence des chambres à gaz, Daesh, au contraire, s’attache à les exhiber de manières spectaculaires. En termes d’atrocité, les analogies sont évidentes mais elles demeurent superficielles.

Le fascisme est un phénomène pluriel, historiquement déterminé : une famille politique qui s’installe en Europe pendant l’entre-deux-guerres et qui inclut des régimes assez différents entre eux, mais tous me semblent assez éloignés de Daesh. Bien sûr, les fascismes et Daesh partagent une même hostilité radicale à l’égard de la démocratie et des libertés modernes, mais si on ne retient que ce commun dénominateur, on risque d’occulter des différences de taille. Essayons donc d’analyser affinités et différences.

Un premier élément à prendre en considération est la place de la religion dans le fascisme.



Télécharger



Déni de responsabilité:
Ce site ne stocke aucun fichier sur son serveur. Nous ne faisons qu'indexer et lier au contenu fourni par d'autres sites. Veuillez contacter les fournisseurs de contenu pour supprimer le contenu des droits d'auteur, le cas échéant, et nous envoyer un courrier électronique. Nous supprimerons immédiatement les liens ou contenus pertinents.