Les mystères de la maison forte by Albert Ducloz & Albert Ducloz

Auteur:Albert Ducloz & Albert Ducloz [Albert Ducloz]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: De Borée
Publié: 2023-01-05T00:00:00+00:00

Un quart d’heure après nous sommes à l’école de musique. Par la baie d’entrée vitrée, nous repérons Wandy. Elle nous attend.

— Mille excuses, petite sœur, prononce Dimitri. Nous n’avons pas vu le temps passer.

Wandy remarque sur mon visage comme un nuage qui flotte, se doute peut-être mais n’en dit mot, ne nous interroge qu’au sujet de nos recherches.

— Vous avez trouvé ce que vous vouliez ? demande-t-elle dans le 4 x 4 dès que nous y sommes installés, à l’abri tout à la fois du froid et des curieux.

Je me décide, mon silence pourrait paraître suspect :

— C’est Dimitri qui a trouvé, et du premier coup.

— Et alors ?

— Souviens-toi. Lors de notre premier dîner chez tes parents, dans votre ranch, ton père m’avait révélé que vous descendiez d’ancêtres protestants obligés de fuir la France de Louis XIV suite à sa révocation de l’édit de Nantes. Selon moi, votre nom de famille, Pradoux, proviendrait d’un pic rocheux surplombant le village de Moudeyres et n’émergeant pas très loin de Fonteysse, entre le mont Mézenc et le Gerbier-de-Jonc. Nous avons découvert que les momies de la ruine n’étaient ni plus ni moins que celles des habitants de la maison forte construite de leurs mains. Devant leur refus d’abjurer, les dragons du roi auraient enfermé ces derniers dans leur cave où ils périrent asphyxiés. Ils se nommaient Bourghea, du nom d’un hameau proche du Chambon-sur-Lignon. Cette commune ne te dit sans doute rien, mais en France elle est célèbre. Ses habitants ont caché des enfants juifs pendant la dernière guerre afin qu’ils ne soient pas déportés. De plus, Albert Camus s’y est également réfugié durant l’Occupation pour y écrire en paix son roman culte, La Peste. Selon le dossier que nous avons consulté et dans lequel nous avons découvert ce qui suit, une famille de Fonteysse, les Vielprat, constatant cette maison inhabitée, s’y est installée et, au fil des années, comme personne ne les chassait, en fut considérée propriétaire de fait.

— En quelque sorte, ces Vielprat ont squatté la maison forte ?

— Exactement. Mais le pire n’est pas là, et pour cela tu m’en vois toute retournée.

Je reprends mon souffle.

— De fait, ce n’est pas si simple.

Mon émotion provient tout autant de mes premiers instants amoureux avec son frère que de ma découverte.

— Vielprat, c’est le nom de jeune fille de ma mère. Si ça se trouve, je suis la descendante de ces squatteurs, c’est-à-dire de ceux qui se sont approprié la maison des Bourghea. Tu comprends mon émoi. Il faut absolument et, dès ce soir, sans plus attendre, que j’en parle à maman. Sait-elle tout cela ? Et si oui, pourquoi ne m’en a-t-elle jamais rien dit ? Je veux savoir.

Pour mieux me laisser m’exprimer et permettre à Wandy de prêter totalement attention à mes propos, Dimitri n’a pas démarré.

— Je peux ? me demande-t-il.

— Oui, vas-y. Plus vite j’interrogerai maman, mieux ce sera.

Nous traversons Le Puy, je fais parler Wandy sur son cours à l’école de musique. Elle répond, mais chacun sait bien que cette conversation n’a pour objet que de tuer le temps en attendant le grand moment.

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