Les Maîtres de la peinture espagnole by Eugène Dabit

Les Maîtres de la peinture espagnole by Eugène Dabit

Auteur:Eugène Dabit [Gadenne, Paul]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Gallimard
Publié: 2024-02-02T00:00:00+00:00


***

On ne peut parler de miracle. Il faut continuer à chercher les secrets de cette création. Le Greco n'a pu avoir sous les yeux un spectacle profondément différent de celui que chaque jour j'observe à Tolède. Sans doute, les costumes étaient autres. Mais jamais le Greco ne s'est préoccupé de fixer le pittoresque de son temps. La vie quotidienne lui a offert les éléments de ses créations. Ces jeunes femmes que je rencontre parfois dans les rues, coiffées d'une légère mantille, elles me font songer aux vierges du Greco. Il a su prendre chez elles certain port de tête, simple et noble, un regard, le flottement aérien de leur mantille. Ses saints ont le visage des paysans qui, les jours de marché, arrivent à Tolède. Et dans sa maison même, il a su trouver les modèles de ses compositions : Dona Geronima de las Cubas, sa compagne, et Jorge Manuel, son fils. Tous ces moments de vie qu'il a pu surprendre, des regards, des mouvements, des groupements de foule un jour de fête, des ciels, des paysages, c'est un peu de la matière dont seront faites ses toiles.

Par des chemins peut-être tortueux et obscurs, je n'ai cessé de lutter contre une conception qui voudrait ne voir de grandeur chez le Greco qu'en fonction de ce qu'on nomme son mysticisme. Le livre que lui consacra Maurice Barrès, à une époque où le Greco était, ou méprisé, ou totalement inconnu, nous montre un artiste qui ne vaut qu'en fonction du catholicisme ; ajoutons qu'il est pour Maurice Barrès le représentant d'une esthétique aristocratique, l'esthétique même. Quant au Greco peintre, à remonter aux vraies sources de son génie, il n'est que peu question de cela dans Greco ou le Secret de Tolède. Cependant, c'est là ce qui importe en premier lieu.

Si l'âme du Greco était celle d'un croyant, ou d'un saint, on l'imagine mieux moine que peintre ; choisissant d'exprimer par la prière et le renoncement au monde sa foi. Or, s'il est une foi que le Greco célèbre à l'exclusion de toute autre, ce sera celle qu'il place dans la peinture. Et c'est assez. Que l'Église trouve en lui un artiste qui illustrera ses légendes comme ne le fit et ne le fera jamais aucun peintre, c'est de quoi elle se peut féliciter ainsi que d'un miracle. Quant au Greco, comme tous les très grands, je crois qu'il s'enfermait dans un monde où ne pouvait pénétrer personne, où du reste il n'eût admis personne. Et qui l'eût suivi ? On ne voit pas qu'il ait été, de son vivant, mis à sa vraie place ; encore que l'Église l'employât, souvent elle lui préférait des artistes médiocres. Le comprenait-elle ? Il paraît que les théologiens lui cherchèrent querelle parce qu'il donnait à ses anges des ailes démesurées. On nous raconte qu'il vivait de façon étrange ; ainsi, au cours de ses repas il se faisait jouer de la musique par des musiciens qu'il entretenait dans sa maison. Pacheco nous a appris que le Greco écrivait ses idées sur l'art de la peinture.



Télécharger



Déni de responsabilité:
Ce site ne stocke aucun fichier sur son serveur. Nous ne faisons qu'indexer et lier au contenu fourni par d'autres sites. Veuillez contacter les fournisseurs de contenu pour supprimer le contenu des droits d'auteur, le cas échéant, et nous envoyer un courrier électronique. Nous supprimerons immédiatement les liens ou contenus pertinents.