Les Gnostiques: Mythe, rituel et diversité au temps du christianisme primitif (French Edition) by Brakke David

Auteur:Brakke, David [Brakke, David]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Les Belles Lettres
Publié: 2019-09-10T16:00:00+00:00

L’école de pensée gnostique : origines et spécificité

Ayant examiné, quoique brièvement, les mythes et rituels gnostiques, on peut à présent considérer les questions d’ordre sociologique qui intéressent les chercheurs – par exemple, celle des origines de la secte gnostique. Tous les observateurs antiques (y compris le païen Porphyre) les assimilent aux chrétiens, et on trouve dans presque tous les textes restants des symboles ou des références nettement chrétiens : Jésus, le Christ, l’apôtre Paul… Irénée et ses confrères hérésiologues déclaraient que la secte gnostique était apparue comme ramification erronée du vrai christianisme ; mais, on le verra, cette affirmation elle-même avait une très puissante fonction de différenciation, et peu de spécialistes modernes pensent qu’il n’y a eu qu’une seule forme de christianisme, dont d’autres (notamment le gnosticisme) auraient divergé. Au XX e siècle, certains historiens de la religion avançaient que le mythe d’un premier Homme et d’un rédempteur divin tirait son origine des régions orientales, comme l’Inde, et avait ensuite traversé la Perse pour arriver au bassin méditerranéen. Ce mythe gnostique originel n’était ni juif ni chrétien : quand les intellectuels juifs, chrétiens et païens l’avaient découvert, ils l’avaient adapté à leurs propres traditions. Les spécialistes ont néanmoins abandonné cette hypothèse, pour deux raisons. La première est qu’ils ont fini par voir les limites de la méthode consistant à comprendre une religion ou un mythe en retrouvant l’origine de ses thèmes : chaque tradition emprunte continuellement à d’autres traditions, et ces emprunts n’expliquent ni où ni pourquoi de nouveaux mouvements religieux naissent. La seconde est que, parmi les sources utilisées par les historiens pour reconstruire l’ancien « mythe du rédempteur » gnostique, beaucoup se sont avérées être les textes gnostiques eux-mêmes, parfois plusieurs siècles plus tard 48 .

De nombreux chercheurs pensent aujourd’hui que le mythe gnostique a émergé chez des juifs insatisfaits de leur religion et enclins à la philosophie, avant même l’arrivée de Jésus-Christ ou du christianisme. Ce n’est que plus tard que les gnostiques ont rajouté des éléments chrétiens (dont le Christ) à leurs croyances 49 . Il faut être précis si on veut établir ce qu’implique l’hypothèse d’une origine juive du « gnosticisme ». Évidemment, tous les groupes chrétiens ont débuté parmi les Juifs : Jésus-Christ était juif, comme tous ses disciples, et la proclamation d’un messie, du fils du Dieu d’Israël, n’a de sens que pour les Juifs. Même la mission d’évangéliser les Gentils fut l’œuvre de juifs comme Paul. Mais ce n’est pas là la signification de l’hypothèse. Les tenants de cette théorie défendent que les Juifs auraient posé les bases du mythe gnostique avant d’avoir entendu parler du Christ, bien que cela ait pu se dérouler après la mort de celui-ci et l’émergence de la foi. Le mythe, selon cette version, était un développement du judaïsme sans lien avec la proclamation du Christ sauveur ; les gnostiques y ont inclus des références à ce dernier à mesure de leurs interactions avec les chrétiens.

Les spécialistes mettent en avant le grand intérêt de la littérature gnostique

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