Les encriers de porcelaine by Malaval Jean-Paul & Jean-Paul Malaval

Les encriers de porcelaine by Malaval Jean-Paul & Jean-Paul Malaval

Auteur:Malaval Jean-Paul & Jean-Paul Malaval
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Presses de la Cité


Guillin, une casquette enfoncée jusqu’aux oreilles et un cache-nez enroulé autour du cou, replaçait méticuleusement chacun de ses pas dans les traces profondes laissées la veille. A quoi bon espérer, se disait-il, puisqu’elle est absente de Chèvreroche depuis la veille de Noël, et que Germain ne peut plus porter mes messages ? Pourtant, au Vent-Haut, où, malgré ses suppliques, Augusta n’avait plus jamais accepté de remonter, il avait tout loisir de songer à elle. Augusta était comme un feu dévorant. Son image insaisissable traversait ses rêves. Et lorsqu’il se réveillait au cœur de la nuit, dans la froide lueur de son grenier, il s’en retournait en pays de douleur qui le rattachait à elle.

Le sentier conduisait au bord du plateau, vers la Tournette. Le chemin de crête était bordé d’une haie formée de buissons noirs, d’églantiers et d’aubépines. C’était là qu’il avait pris l’habitude de poser ses pièges. Au pied d’un muret de pierres sèches, à peine plus haut que le genou, il dénicha sa première proie, une de ces grives qui nichaient dans les halliers que les paysans avaient installés, jadis, pour marquer les limites de leur domaine. Dans l’entrechoquement mortel des mâchoires, l’appât, un petit quartier de pomme Sainte-Germaine, avait sauté hors du piège. Au fourmillement des empreintes laissées alentour dans la neige gelée, Guillin comprit que d’autres grives étaient venues picorer l’appât, malgré la présence funeste de leur voisine foudroyée. Le jeune homme glissa l’oiseau dans sa poche et trouva, plus loin encore, deux autres grives. Le dernier piège posé en cet endroit s’était refermé sur quelques plumes grises et un gramme de duvet blanc. Guillin pensa que ça devait être les traces d’une de ces grosses drennes, méfiantes et vives, qui d’ordinaire ne se laissent prendre qu’au lacet avec quelques grains de genièvre dont elles sont friandes.

Aux fourrés de Fonrabie, sous la barre du Vent-Haut, parmi les fondrières au cœur desquelles se nichaient les renards et les blaireaux, il avait repéré des passages de lapins. Aussi avait-il laissé quelques collets, dans l’espoir de capturer un garenne. Guillin visita ses pièges un à un, sans succès. Les grives lui suffiraient pour aujourd’hui.

Quand il arriva au repaire des Trois-Pierres, le soleil était haut dans le ciel. Guillin alla se désaltérer au bec de la dalle qui déversait la neige fondue des toitures dans un baquet taillé dans la pierre. Il but à même le creux de sa main, une eau glacée et amère. Puis il alluma un feu à la lisière de la châtaigneraie où il avait acquis ses habitudes, bien à l’abri, loin des turbulences du vent. Dans les mangeoires de l’ancienne étable il avait remisé, pour cet usage, des fagots et du bois mort. Ce combustible s’enflamma aussitôt. Il déposa les grives à proximité du foyer pour en réchauffer la chair gelée afin de pouvoir les plumer sans dégât. Une fois préparées, Guillin les passa à la flamme et les embrocha à la suite sur une longue tige de châtaignier.

C’est là que Léone le découvrit, perdu dans ses rêves.



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