Les Demoiselles de Havre-Aubert by Jean Lemieux

Auteur:Jean Lemieux [Lemieux, Jean]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Littérature québécoise, Policier
Éditeur: Québec Amérique
Publié: 2020-03-30T18:39:16+00:00

En sortant de chez Cormier, Surprenant eut la désagréable surprise de découvrir une auto-patrouille de la SQ stationnée à côté de la Cadillac. En sortirent Boutin et Barsalou, murés derrière des verres fumés.

— Qu’est-ce que tu faisais chez notre plongeur, Surprenant ? demanda Boutin sur un ton agressif.

— Votre plongeur ! L’avez-vous acheté ?

— Arrête de finasser. Qu’est-ce que tu fabriques ?

— Je m’informais des progrès de l’enquête. C’est tout à fait mon droit.

Boutin, les mains sur les hanches, expira bruyamment, fixa Surprenant d’un air qui se voulait intimidant. Le langage corporel de Barsalou était plus difficile à décoder : il paraissait à la fois penaud et satisfait.

— Écoute, Surprenant, commença Boutin. Cet après-midi, tu pénètres par effraction dans le bateau de ma victime. En plus, tu te promènes avec des documents que tu as subtilisés à son domicile sans m’en faire part.

— Mathieu, ici présent, était au courant.

Barsalou ne broncha pas.

— Je ne parle pas de Mathieu, je parle de toi ! gueula Boutin. Ce que tu fais, à la limite, c’est de l’entrave à la justice !

— On va mettre quelque chose au clair, gronda Surprenant en s’avançant vers Boutin. Je ne suis pas ton subalterne et j’ai juridiction pour enquêter sur les deux morts !

Il était à un mètre de Boutin et le dépassait d’une demi-tête.

— Pour les juridictions, c’est clair que c’est moi le boss en ce qui concerne Goyette, plaida Boutin sur un ton moins belliqueux.

— C’est pas si clair que ça ! Tu devrais comprendre une chose, Boutin. J’en sais beaucoup plus que toi à propos des Îles-de-la-Madeleine. Ces gens, je les connais et ils me respectent. Si j’étais à ta place, je me servirais du gars de Montréal au lieu de le traiter comme un no name !

Sur ce, Surprenant remit le carnet à Barsalou et se dirigea vers sa Cadillac. Toujours furieux, il se retourna et pointa son index vers Boutin.

— Je serai à la réunion demain midi ! J’aurai des choses à te raconter ! Dernier conseil : tu devrais aussi te servir de Mathieu ! Ça fait des années qu’il est ici ! Lui aussi en sait plus que toi !

Toujours bouillant, Surprenant décida de décompresser avant de retrouver sa famille. Il immobilisa la Cadillac au tournant du chemin d’en Haut, devant la maison de Gilles Cormier. Immanquable ne semblait pas être chez lui. Surprenant marcha jusqu’au bout de son terrain. Des banderoles marquaient toujours l’accès à la plage. La tente avait disparu. Le corps de Claude Goyette s’apprêtait à partir vers l’Institut de médecine légale de Montréal. À l’ouest, le soleil descendait derrière le Havre-aux-Basques. Sous ses yeux, la grève avait sinon retrouvé sa virginité, du moins repris son aspect habituel. A posteriori, il avait commis une erreur en coupant le cadenas sur le voilier du mort. Comme toujours, il voulait aller vite, à sa façon, en contournant les règles au besoin. Comment réagirait Boutin ? Surprenant tenta en vain de rejoindre Stéphane Guité, son supérieur. Ce dernier ne pouvait ou ne voulait pas répondre.

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