Les Dames à la Licorne - 01 - Les dames à la licorne by Barjavel René

Les Dames à la Licorne - 01 - Les dames à la licorne by Barjavel René

Auteur:Barjavel, René [Barjavel, René]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Fantastique
ISBN: 9782266107549
Google: FnZxGQAACAAJ
Éditeur: Presses de la Cité
Publié: 2000-02-14T23:00:00+00:00


39

DEUX jours plus tard, au dîner, Ambrose Aungier annonça d’une voix calme qu’il s’en irait le surlendemain.

Helen le regarda, stupéfaite.

Ambrose remerciait Lady Harriet :

— Je vous ai longuement encombrés, dit-il, je m’en excuse… Entre le travail et l’amitié de votre famille, j’avais presque oublié que je n’étais pas chez moi… Quand je vais débarquer en Angleterre, j’aurai l’impression d’arriver à l’étranger…

Lady Harriet trouva le compliment exquis et répondit qu’il leur manquerait beaucoup à tous. C’était un échange de mots en dentelles. Ni l’un ni l’autre ne pensait tout à fait ceux qu’il prononçait et ne croyait vraiment ceux qu’il entendait. C’était parfait et cela n’avait aucune importance, ni pour Ambrose, ni pour Lady Harriet, ni pour aucun de ceux qui écoutaient. Sauf pour Helen. Pour elle, ces mots étaient ceux d’une malédiction abominable, comme en prononcent les prophètes barbus dans la Bible, annonçant la fin du monde et la chute des cieux.

Griselda entendait à peine. À demi souriante, à demi rêveuse, elle n’était pas tout à fait présente, se réchauffant, à l’intérieur d’elle-même, autour du soleil d’or que Shawn y avait allumé, et qui l’inondait de lumière. Tout avait changé en un instant. Quand elle avait rouvert les yeux, le ciel n’était plus le même, ni le visage de Shawn penché vers elle avec inquiétude et bonheur, ni aucun des autres visages ensuite retrouvés. Chaque chose s’était révélée, chaque branche de chaque arbre, chaque brin d’herbe, chaque aile d’oiseau, chaque geste des vivants et la barbe de son père, et la mer et le vent étaient tels qu’ils devaient être, exactement à leur place pour que tout fût en équilibre dans une évidence éclatante : la vie avait un sens, la vie était merveilleuse, la vie était joie.

Sa voix même avait changé, elle était, si l’on y prêtait l’oreille, plus chaude et plus grave. Mais qui l’écoutait puisque Shawn n’était pas là ? Ses gestes étaient un peu plus ronds, un peu plus denses, mais qui les regardait puisque les yeux gris n’étaient pas là ?

— Aurons-nous le plaisir de vous revoir un jour ? demandait Lady Harriet.

— Certainement ! certainement !… répondait Ambrose sur un ton qui signifiait « certainement jamais… ».

Helen sentait la déraison envahir sa tête. C’était un moment de pleine absurdité, qui allait cesser comme il avait commencé.

— Londres est bien loin ! dit Sir John avec un petit sourire sceptique.

— Certes ! certes !… dit Ambrose, répondant avec un autre sourire.

Il allait partir sans rien lui dire ? Elle s’était donc trompée ? Leurs promenades, leurs entretiens, le travail dans la bibliothèque, ce n’était donc pas le commencement ? Il n’avait donc pas compris ? Alors que dans chaque regard elle lui disait : « Je suis votre élue, votre sœur, votre double… Je connais votre intelligence, je serai à vos côtés, je vous aiderai, nous travaillerons ensemble, nous bâtirons une œuvre sublime, nous éclaircirons les mystères du passé, nous marcherons la main dans la main vers l’avenir, nous sommes prédestinés, c’est le destin qui



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