Les Chiens et la Charrue by Patrick-K. Dewdney

Auteur:Patrick-K. Dewdney [Dewdney, Patrick-K.]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Fantasy, Littérature Française
Éditeur: Au diable vauvert
Publié: 2021-09-07T22:00:00+00:00

33.

Ce fut une satisfaction un peu dérisoire, mais je n’eus pas besoin de crier. Dans l’obscurité, mes compagnons basculèrent hors de leurs couches comme un seul homme. Artès parlait calmement, des mots simples et féroces. Le préambule empêtré d’ombres incertaines et de visages crispés fut rapidement mis en lambeaux par la mécanique que nous avions huilée durant ces dernières lunes. La glace de bataille déferla en cascade pour balayer les tremblements, accompagnée d’une rage sourde comme je n’en avais pas ressenti depuis que je m’étais retrouvé impuissant, à subir les coups des sondiers et de Hoste Audrane. Je ne savais pas qui essayait d’entrer et je m’en fichais tout à fait. Qu’il s’agisse d’une traîtrise du chaiffre de Flottanse, d’une expédition punitive envoyée par la Ligue de Franc-Lac ou même des bucellaires d’Aidan venus me mettre aux fers pour une offense involontaire, j’étais décidé à les accueillir avec toute la hargne qui m’habitait.

Le loquet de la porte tint bon, mais l’encadrement se fendit dans sa longueur tandis que j’assurais les lanières de mes bottes. Je remerciai intérieurement Cloutier d’avoir eu le bon sens de nous enfermer pour la nuit. Grâce à lui nous gagnions quelques précieux instants. Endale de Donge renversa la table qui traînait au fond du grenier afin que nous puissions nous en servir comme d’un petit rempart. Audrane, Françon Poirie et Artès Buconne bouclaient leurs jaques avec méthode. Je devinais le blanc de leurs yeux, leurs regards qui dardaient entre l’ouvrage de leurs mains et l’unique sortie, lapée par le feu dansant des torches. Miclon et le première-lame Cloutier s’étaient accroupis pour gratter leurs briquets sur la mèche de l’une de nos propres lampes. Le coupe-jarret avait fiché ses dagues dans le plancher du grenier, à portée de main.

Une épaule cuirassée s’enfonça lourdement dans la porte. L’une des traverses se brisa net. Deux clous roulèrent sur le sol. De l’autre côté il y avait des halètements sourds et tout un vacarme de bottes et de ferraille. Un autre craquement retentit et puis la lampe à huile prit enfin derrière nous. Son halo faiblard grossit jusqu’à épouser la charpente du grenier, une ossature pâle qui m’évoqua tout à coup la carcasse d’un grand saurien, dans le ventre duquel nous serions prisonniers. « Vos lames », sifflai-je tandis que je dégageais mon glaive paxxéen de son fourreau. Instinctivement, mes hommes avaient formé une ligne derrière moi. Ceux qui n’avaient pas encore tiré le fer firent fleurir le bouquet affûté que j’avais appelé. La porte se décrocha à demi. Artès se mit à parler rapidement. « Ce sont des hommes de guerre là-derrière », dit-il. « S’ils ne veulent pas discuter, il faudra se rendre maîtres de la porte pour ne pas qu’ils puissent se servir de leurs lances. » J’acquiesçai. « Miclon », dis-je, en flairant la fébrilité du jeune homme, « va voir là-derrière s’il y aurait pas un trou à faire dans le chaume. » Miclon n’eut pas le temps de me répondre. La porte céda et des hommes en mailles firent irruption.

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