Les Bosquets de Versailles 1 Le crime de l'Encelade by Annie Pietri

Les Bosquets de Versailles 1 Le crime de l'Encelade by Annie Pietri

Auteur:Annie Pietri [Pietri, Annie]
La langue: fra
Format: epub
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00


15

Fou d’amour et de rage

Mourlhame Kapell eut une drôle d’impression en entrant dans le logement d’Émilien de Plessis-Chaillet. La pièce unique dans laquelle il vivait ressemblait beaucoup au logis d’Agathe Sérotin.

Les murs enduits d’un bleu lointain, chétif, teinté de l’amertume de s’être perdu au fil du temps. Le mobilier pauvre, réduit au strict nécessaire. Très peu de vêtements, suspendus à des clous plantés derrière la porte d’entrée. La saleté. L’odeur du vase de nuit dissimulé quelque part.

Depuis une dizaine de minutes, Adélie esquissait le visage blême et fatigué du baron. Il était prostré, recroquevillé dans un fauteuil au rembourrage à demi défoncé. Il tenait à la main un portrait d’Apolline, et le fixait sans ciller. Adélie reconnut aussitôt cette aquarelle qu’elle avait peinte quelques semaines auparavant. Tout en dessinant, elle éprouvait de la pitié pour Plessis-Chaillet. Elle l’avait maintes fois croisé au château ou dans le parc lorsqu’il venait retrouver Apolline, et elle le savait plutôt joli garçon.

Elle aimait surtout ses cheveux longs et bouclés, châtain clair avec des reflets dorés presque roux, et trouvait extraordinaire que ses prunelles aient exactement la même couleur que sa splendide chevelure.

Pendant ce temps, Mourlhame Kapell essayait d’établir le contact.

— Monsieur le baron ? répéta-t-il pour la dixième fois au moins.

Plessis-Chaillet demeurait muet.

— M’entendez-vous, monsieur ? insista l’enquêteur. Nous avons lu les lettres que vous avez écrites à Apolline. Nous savons qui vous étiez pour elle.

Le baron détourna les yeux du portrait de sa bien-aimée pour jeter un regard à Adélie. Dans ce regard, Mourlhame Kapell crut deviner: «Point n’était besoin d’éplucher cette correspondance. Adélie sait depuis longtemps qui je suis, et ce qu’Apolline et moi-même étions l’un pour l’autre...»

— La mort d’Apolline m’a privé de l’unique raison que j’avais de vivre, murmura-t-il.

Mourlhame Kapell eut un discret soupir de soulagement. L’homme sortait enfin de sa torpeur et acceptait de s’exprimer.

Sans qu’il eût à insister, le baron poursuivit d’une voix faible et monocorde :

— Je l’aimais à en devenir fou. Et je vous avoue bien volontiers que je le suis devenu, fou, lorsque j’ai appris son prochain mariage. Fou d’amour et de rage, voilà ce que j’étais !

Dans un petit crissement régulier, légère et précise, la mine d’Adélie courait sur le papier.

De son côté, Mourlhame Kapell oubliait presque de respirer, avide d’entendre les révélations de Plessis-Chaillet.

— C’est à moi qu’on aurait dû envisager de la marier. Parce qu’elle m’aimait autant que je l’aimais.

— Les mariages d’amour sont rares de nos jours, fit remarquer Adélie en levant le nez de son ouvrage.

— Je ne l’ignore pas, jeune fille, répondit le baron soudain incisif. Il existe pourtant un moyen de forcer la main aux familles qui ne songent qu’aux unions dictées par l’intérêt, dans le seul but d’allier leur fortune à une autre. La duchesse de Flez-Cuzy n’échappe pas à la règle. Elle a choisi La Pacquelière pour réunir deux immenses fortunes : la sienne, et celle du duc. Disons plutôt, la fortune supposée du duc...

— Quel est ce moyen dont vous parlez ? s’enquit Adélie.

— Un enlèvement ! Voilà la solution que j’avais proposée à Apolline.



Télécharger



Déni de responsabilité:
Ce site ne stocke aucun fichier sur son serveur. Nous ne faisons qu'indexer et lier au contenu fourni par d'autres sites. Veuillez contacter les fournisseurs de contenu pour supprimer le contenu des droits d'auteur, le cas échéant, et nous envoyer un courrier électronique. Nous supprimerons immédiatement les liens ou contenus pertinents.