Les aventures de Robert-Robert by Desnoyers Dixen Victor

Auteur:Desnoyers Dixen Victor [Desnoyers Dixen Victor]
La langue: fra
Format: epub
Tags: jeunesse
Éditeur: Éditions G.P.
Publié: 1959-07-05T23:00:00+00:00

Toutes ces plaisanteries égayèrent le repas. On fit bonne chère, on but d’excellents vins, on rit, on chanta, on se livra sans réserve à toutes les folies que permettait ce jour de fête. Le commandant seul affectait de rester sobre. Plusieurs fois, Simon Barigoule vint le trouver mystérieusement, et, s’appuyant sur le dossier de son fauteuil, lui parla bas à l’oreille.

La première fois, le commandant lui dit, également à voix basse :

— Qu’on serre les perroquets ! qu’on amène bas tout de suite !

— C’est bien, murmura Simon en allant faire exécuter cette manœuvre ; mais ça ne suffira pas !

La seconde fois, le commandant lui dit :

— Qu’on prenne trois ris dans les huniers ! Qu’on serre la grande voile ! Qu’on remplace la brigantine par l’artimon !

— C’est encore très bien, murmura Simon, mais ça ne suffira pas.

La troisième fois, le commandant lui dit :

— Qu’on diminue encore la voilure ! qu’on la réduise presque à rien ! qu’on se mette à la cape sous la misaine et le petit foc !

— C’est toujours très bien, murmura Simon, mais nom de nom ! ça ne suffira pas.

En effet, pendant toute la durée du banquet, la tempête de suroît avait continué de dérouler ses longs plis noirs sur le ciel ! le vent s’était élevé, subit, impétueux, saccadé ; le tonnerre grondait au loin, sourd, mais continu ; enfin, la mer se soulevait majestueusement, et il commençait à tomber sur le pont de ces larges et tièdes gouttes de pluie qui sont inconnues dans les climats d’Europe.

Tout le monde ignorait encore la gravité de la situation dans l’entourage du commandant, dont la figure continuait d’apparaître calme, parmi tous ces visages riants, animés, colorés par le bordeaux, par le champagne, par le madère et par les joyeux discours.

Le dessert fut bientôt servi. Après les gais propos, vinrent naturellement les chansons bachiques, et après les chansons, les contes. Le Parisien, dont l’imagination était avantageusement connue de tout l’équipage, fut invité à raconter quelques-unes des mille histoires qu’il assurait avoir en magasin. Il avait à peine commencé qu’une secousse ébranla le bâtiment. Personne n’y fit attention, mais Lavenette perdit l’équilibre et tomba de sa chaise sur le plancher, au milieu d’une explosion de rires.

— Ah ! grand Dieu ! s’écria-t-il, quelle détestable plaisanterie !

— Ce n’est pas une plaisanterie, papa Lavenette, répondit le Parisien ; c’est la frégate qui secoue ses puces, comme nous disons, nous autres. À votre santé !

— Je ne sais pas, continua un des officiers, si c’est la tête qui me tourne ou si c’est la frégate qui danse ; mais il me semble que depuis un instant tout se met en branle autour de moi !

— C’est l’effet du champagne, répliqua ironiquement le capitaine.

À ce moment, Simon Barigoule se présenta pour la quatrième fois, et, tandis que les convives se versaient de nouvelles rasades, il fit part au capitaine des derniers incidents. La force du vent augmentait sans cesse ; le petit foc venait d’être enlevé, déchiré, il en restait à peine quelques lambeaux.

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