Les Années heureuses by Cecil Beaton

Les Années heureuses by Cecil Beaton

Auteur:Cecil Beaton [Beaton, Cecil]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Autobiographie, Journal intime, gotha, cinéma
Éditeur: Les Belles Lettres
Publié: 2020-03-05T23:00:00+00:00


Noël

1947

Aux approches de Noël, nous nous aventurâmes dans le centre pour faire du shopping jusque chez Macy’s, où Greta chercha à acheter des articles en solde. Moi, je trouvais hideux tout ce qui était bon marché ; comment feindre de la sympathie à l’égard des rossignols jetés en appât à des clientes prêtes à tout ? J’ajoute que la cohue et la chaleur avaient de quoi décourager les meilleures intentions. Tout cela me paraissait assez futile, mais Greta releva le défi parce qu’elle prenait Noël très au sérieux. En Suède, m’expliqua-t-elle, c’était magnifique : dès trois heures de l’après-midi il faisait nuit, toutes les maisons étaient éclairées, il y avait des feux et des cadeaux partout. Pour la première fois cette année, elle n’aurait pas d’arbre de Noël. « Êtes-vous religieuse ? » lui demandai-je. « À ma façon. Nous avons chacun nos idées, n’est-ce pas ? Je ne vais pas à l’église et j’ignore comment opère le Père céleste, mais mes instincts personnels m’apprennent ce qui est bien et mal. » Elle se posa des questions sans y répondre : « Peut-il y avoir une après-vie ? Continuons-nous après celle-ci ? Y aura-t-il une résurrection ? »

Au sortir de la foule surexcitée, nous vîmes une vieille dame tomber de tout son long dans la rue ; elle avait mal calculé la hauteur du trottoir et elle s’était étalée le nez en avant : ses lèvres, ses dents étaient couvertes de sang. « Oh, que la vie peut être cruelle ! » soupira Greta.

Bien que Greta fût restée debout toute la journée, elle se sentit d’attaque pour faire un tour dans le Park. Je déposai divers paquets à mon hôtel et je la rejoignis pour une promenade entre chien et loup. À mesure que le jour s’assombrissait, les lumières dans les immeubles des alentours apparaissaient comme des diamants dans l’air glacé ; sous nos pieds, le sol gelé crissait. Il n’y avait que nous dans le Park. Greta fit une remarque sur le paradoxe de la cohue toute proche avec ses bruits et ses odeurs, alors que nous étions dans la solitude et la paix.

Nous rentrâmes à mon appartement pour boire de la vodka, rire et nous taquiner. Lorsque ce fut pour elle l’heure de partir, elle s’attarda sur le seuil de la porte pour bavarder, et notre ami commun Serge Obolensky vint à passer. D’abord il parut un peu surpris, mais il nous salua d’une façon charmante et continua son chemin dans le long couloir. « Quelle déveine ! » dit-elle. « Je parie que la prochaine fois ce sera « le petit homme » qui me verra, et alors j’aurai mon compte. » Greta rentra dans ma chambre pour téléphoner au « petit homme ». Puis elle m’expliqua : « Il ne se sent pas bien du tout. Il est fatigué d’avoir à s’occuper de tant de gens difficiles dans son métier, et je suppose qu’à la fin de la journée il n’en peut plus. » C’était la



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