Les âges du chaos by Marion Zimmer Bradley

Auteur:Marion Zimmer Bradley [Bradley, Marion Zimmer]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Science-fiction
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00

Saint Porteur de Fardeaux, pourquoi un homme doit-il toujours faire son devoir ? Et pourquoi son devoir est-il toujours si contraire à ses désirs ?

Seul dans sa chambre, allongé sur son lit, Cedric Lanart-Elhalyn ne trouvait pas le sommeil. La chambre était froide, sombre, sans feu pour le réchauffer ; mais sous sa mince couverture, il n’y prêtait pas attention. À Nevarsin, il s’était habitué au froid, il avait appris à activer la chaleur intérieure de son corps. Cela, il l’avait appris des moines, avec bien d’autres choses, car, depuis un certain temps, il avait répondu à un appel intérieur et s’était fait cristoforo. Il aurait été heureux de passer sa vie dans le célibat et la contemplation, n’était cela.

Maintenant, il avait une femme. La croix de sa vie, ce serait d’avoir fait ce que désiraient ceux qu’il aimait. Domna Mirhana, sa mère, était mourante. Une maladie exténuante la tuait lentement, et elle souffrait sans discontinuer. Elle supportait tout stoïquement, et continuait à assumer ses devoirs avec grâce. C’était le foyer rayonnant de la famille, et il l’aimait plus que tout au monde, davantage même que sa vocation religieuse. Le souhait le plus cher de Mirhana avait été qu’il se marie et reste dans la famille avec ses frères.

C’était aussi, pensa-t-il, la personne qui, parmi toutes ses connaissances, attachait le moins d’importance au laran.

— Ce pouvoir nous rend fous, nous autres de la lignée de Hastur, disait-elle de sa voix douce. Fous au point de concevoir des programmes de reproduction. Et pour quel résultat ? Nous attachons plus d’importance au laran qu’à nous-mêmes, qu’à nos enfants, qui sont victimes de ce choix. L’amour – il disparaît dans les mariages arrangés. À la fin, nous serons une race de surhommes aux cheveux roux, simples outils sans cervelle du pouvoir – comme des pierres-étoiles vivantes !

Son frère aîné, Dayvin, souriait et disait tendrement :

— Maman, c’est une exagération ridicule !

— De plus, nous n’en arriverons jamais au stade de n’être que de simples outils – des pierres-étoiles sur pattes ! disait sa sœur Lyanella en riant, levant son doux visage de son ouvrage toujours parfait.

Et le petit Rafaël éclatait d’un rire cristallin, et courait à travers la chambre en criant, jusqu’à ce que Domna Mirhana le fasse taire :

— Regarde, regarde, je suis une matrice vivante !

La joie régnait alors, quand Jerald Lanart était encore vivant et que sa mère n’était pas encore malade. Dom Jerald n’était pas son vrai père, il le savait, malgré sa reconnaissance officielle. Cedric avait le Don des Alton. Cela suggérait des origines plus élevées que les siennes, et le droit de porter trois noms au lieu de deux. Pourtant, il n’avait nulle envie de pénétrer ce secret, malgré d’étranges pensées-souvenirs qu’il recevait parfois de sa mère ou de Dom Jerald. Il y avait si longtemps de cela…

C’était donc d’autant plus étrange que sa mère, si parfaitement juste à tous égards, ait soudain désiré qu’il abandonne la voie de réalisation qu’il s’était choisie, car cette voie n’avait rien à voir avec le laran, qu’elle n’approuvait pas.

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