Le vrai con maltais by Marcus Malte

Auteur:Marcus Malte [Malte, Marcus]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Baleine
Publié: 1999-06-05T15:31:40+00:00

10

Il sortit du club cinq minutes plus tard et leva le nez en l’air. Le ciel, complètement dégagé ne laissait aucun espoir de fraîcheur. En retombant, son regard accrocha encore deux étoiles, bleues, fluorescentes. L’hôtel se situait à environ cent cinquante mètres de là. Gabriel eut la vision très nette, presque palpable, d’une baignoire d’émail et d’un lit impeccablement fait. Il y avait plus de vingt-quatre heures qu’il n’avait pas dormi. Ses pieds l’entraînèrent sans qu’il trouvât aucun argument valable à leur opposer.

Il prit une simple douche et coula son corps nu à peine sec entre les draps. Puis, pour ne plus penser, il alluma la télé avec la télécommande posée sur le chevet. Et zappa. Sur la une, Cantona vendait des pompes. Sur la deux, Cantona vendait des rasoirs. Sur la trois, il neigeait. Sur la cinq, Cantona vendait des disques contre le sida. Sur la six, Bruce Willis dessoudait des sales types avec un flingue identique au sien. À moins que ce ne fût Cantona maquillé. Le Poulpe sombra trop tôt pour en être sûr.

Il s’éveilla aux environs de midi, une barre au front et un creux à l’estomac. Le soleil s’engouffrait par tous les interstices. La télé marchait toujours. Cantona vendait des trains sur une chaîne à péage. Gabriel passa encore près d’un quart d’heure sous le jet tiède de la douche, retardant le moment d’enfiler ses fringues de la veille qui puaient la sueur et la cendre froide.

En quittant l’hôtel, il entra directement dans une brasserie où il s’enfila le plat du jour et deux aspirines. Après quoi il descendit au sous-sol pour donner trois coups de fil. Le premier à la Sainte-Scolasse, d’où Gérard lui confirma que Vlad n’avait toujours reparu. Le deuxième à Pedro, pour rassurer le Catalan et lui dire qu’il le retrouverait en fin d’après-midi. En dernier il composa le numéro de Cheryl, mais personne ne répondit. Il raccrocha en se mordant l’intérieur des joues.

La ville semblait toujours aussi désertique. Gabriel n’entendait que le bruit de ses pas sur le goudron craquelé. Il repassa devant la boîte où le dauphin vert avait cessé de clignoter depuis le lever du jour. À l’angle de la rue, il crut discerner comme un bourdonnement d’abeilles. C’était le moteur d’une Vespa flambant neuve tournant au ralenti. L’engin était planté sur sa béquille, au bord du trottoir ; un casque pendait à son guidon et une sorte de gros caisson, à l’arrière, portait en lettres blanches adhésives l’inscription : « Pizza Hot – Livraison ».

Personne autour. Pris d’une subite inspiration, le Poulpe enfourcha la mobylette et accéléra. Dans le rétro, il vit surgir la silhouette d’un jeune beur à casquette agitant les bras ; mais trop tard. Gabriel enfila le casque et s’engagea sur un long boulevard dont le revêtement semblait se volatiliser sous l’effet de la chaleur. Il était pleinement satisfait de son choix : véhicule maniable, passe-partout et discret, c’était parfait pour ce qu’il comptait faire. D’autant que les tueurs avaient repéré sa tire, mieux valait l’oublier quelque temps à l’ombre des P.

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