Le voyageur by Hawks John Twelve

Auteur:Hawks, John Twelve [Hawks, John Twelve]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Science Fiction
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00

32

À son réveil, Gabriel vit que Maya avait déserté la chambre. Elle avait quitté son lit et s’était habillée sans bruit. Il trouva étrange qu’elle ait pris soin de border la couverture et de tirer le dessus-de-lit de coton effiloché sur les deux oreillers. On eût dit qu’elle avait voulu effacer toute trace de sa présence, gommer le fait qu’ils avaient partagé le même espace pendant la nuit.

Il se redressa et s’adossa à la tête de lit grinçante. Depuis qu’ils avaient quitté Los Angeles, il réfléchissait à ce que cela représentait d’être un Voyageur. L’homme se réduisait-il à une machine biologique ? Ou existait-il une parcelle d’éternité à l’intérieur de chaque être vivant, une étincelle d’énergie que Maya appelait la Lumière ? Même si c’était la vérité, cela ne signifiait pas qu’il avait la capacité de traverser.

Gabriel tenta de penser à un autre monde, mais se retrouva submergé d’idées incohérentes. Il n’arrivait pas à contrôler son esprit. Sa pensée sautillait comme un singe bavard dans une cage, passant d’images de ses anciennes petites amies, à des courses en moto où il dévalait les collines et aux paroles d’une chanson. Il entendit un bourdonnement et ouvrit les yeux. Une mouche s’assommait contre la vitre.

Irrité contre lui-même, il traversa la chambre et s’aspergea le visage d’eau froide. Maya, Hollis et Vicki avaient risqué leur vie pour le protéger, mais ils allaient au-devant d’une belle déception. Gabriel se sentait dans la peau d’un pique-assiette entré en fraude dans une soirée en se faisant passer pour une célébrité. L’Ouvre-voie, s’il existait, se moquerait de ses prétentions.

En revenant dans la pièce principale, il aperçut le sac de voyage de Maya et son ordinateur portable posés près de la porte. Elle n’était pas très loin. Avait-elle pris le van pour aller acheter des victuailles ? Impossible. Il n’y avait ni restaurant ni épicerie à proximité.

Après s’être habillé, Gabriel sortit sur le parking. La vieille dame qui tenait le motel avait éteint l’enseigne et le bureau n’était plus éclairé. De fins nuages ourlés d’argent défilaient dans le ciel de l’aube couleur lavande. Il contourna l’aile sud du motel. Maya se tenait sur une dalle de béton au milieu des armoises. Sans doute les fondations d’une maison inachevée, livrées au désert.

Elle avait dû dénicher une tige de métal sur le chantier. La brandissant comme un sabre, elle déroulait une série de formes rituelles et de combinaisons, semblables à celles qu’il avait étudiées à ses cours de kendo. Parade. Attaque. Défense. Les mouvements s’enchaînaient avec grâce.

À distance, il pouvait observer la jeune femme sans être troublé par sa farouche détermination. Gabriel n’avait jamais rencontré quelqu’un comme cette femme Arlequin. Bien sûr, elle était avant tout une guerrière, prête à tuer sans hésitation, mais il décelait une certaine dose de pureté et d’honnêteté dans sa manière d’affronter le monde. En la regardant s’entraîner, Gabriel se demanda si elle se souciait d’autre chose que de cette antique obligation, de cette violence à laquelle elle avait dédié son existence.

Un balai abandonné traînait près du conteneur à ordures.

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