Le voyageur by Alain Robbe-Grillet

Le voyageur by Alain Robbe-Grillet

Auteur:Alain Robbe-Grillet [Robbe-Grillet, Alain]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Littérature française
ISBN: 9782020561945
Google: 9f1cAAAAMAAJ
Éditeur: Seuil
Publié: 2001-07-14T22:00:00+00:00


J’aime que l’œuvre d’un artiste, d’un romancier, d’un poète, soit ainsi l’histoire d’une création du monde, de sa croissance, de son apogée, de sa ruine. À partir du magma originel, indifférencié, quelque chose se cherche, voit le jour et aussitôt s’organise. Sous nos yeux se construit avec fougue une architecture complexe de formes vives et de référents possibles (même s’ils sont imaginaires). Et c’est leur prolifération rapide, leur foisonnement, leur joyeuse exubérance qui les minent en même temps de l’intérieur : leurs enchevêtrements risqués, leurs assemblages téméraires sont d’incessantes atteintes aux lois admises de l’équilibre, infractions qui provoquent d’une manière inéluctable de prompts écroulements, d’abord minimes, partiels, mais contagieux et bientôt généralisés, nous laissant à la fin en présence d’un nouveau champ uniforme de particules sans affectation prédéterminée, tout de suite prêt pour une nouvelle aventure.

Quelquefois (Mondrian ?), c’est l’ensemble de l’œuvre qui, dans son déroulement chronologique, parcourt un seul cycle, solitaire et désespéré, d’une édification dans la rigueur où l’on perçoit sans tarder les signes de l’anéantissement final qui accomplira l’acte créateur. Ici, au contraire, et cela me retient davantage, toutes les phases du processus se manifestent sur de très courtes périodes, si bien que tout paraît à chaque instant en train de se faire et de se défaire, à tel point même que l’on croit voir bouger, sur la toile, les arabesques qui se replient sur elles-mêmes ou s’élancent vers quelque proie, le cou d’Alice qui s’allonge, les têtes coupées qui dévalent la pente, les voiles des fantômes qui claquent dans le vent… Et l’on entend la rumeur sourde de l’océan, le crépitement des herbes, le fracas d’un orage, le silence soudain du tremblement de terre, le déferlement de l’apocalypse.

Ce n’est certes pas un hasard (ou, alors, ce serait un hasard objectif) si cette continuelle mise en question du bon sens s’accomplit volontiers sur le fond bien ordonné d’une carte géographique ou d’une facture commerciale, car ce sont les éléments mêmes de ces représentations rassurantes qui vont se mettre à diverger, à s’évader vers la déraison, ou bien à grossir démesurément, à étendre des bras inquiétants, et de plus innommables excroissances, pour envahir, s’approprier, pervertir tout l’espace disponible.

Quant à la couleur, disons pour simplifier à l’extrême que la teinte d’origine du bouillon élémentaire semble être plutôt le bleu, un bleu profond le plus souvent, intense, qui peut s’éclaircir pour tourner au turquoise ou au vert. Les rouges et les bruns, en petites touches, sont déjà l’indice d’une vie dangereuse qui demande à surgir ; ils s’étaleront ensuite avec impudence sur le terrain colonisé. Quelques rares bonheurs tranquilles, évidemment provisoires, s’épanouissent çà et là dans les jaunes soutenus. Le cataclysme écrase tout d’un noir absolu, comme il fallait s’y attendre. Mais celui-ci se dilue derechef vers le bleu-noir de l’encre, et puis l’indigo, qui va marquer le départ d’une nouvelle reprise. Non pas la répétition, mais la reprise (le Gjentagelse kierkegaardien) qui n’est pas un retour en arrière mais au contraire un dépassement.

Quant aux formes, disons pour simplifier à



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