Le temps de l'amour by Colleen McCullough Martine Desoille & Colleen McCullough

Auteur:Colleen McCullough, Martine Desoille & Colleen McCullough
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Archipel
Publié: 2018-10-09T16:00:00+00:00

DEUXIÈME PARTIE

1888-1893

1

DEUX JEUNES DEMOISELLES

Le 1er janvier 1888, Nell fêta ses douze ans. Ayant hérité de la silhouette longiligne de son père, elle avait une poitrine peu développée, ce qui lui permit de négliger ce premier signe de maturité. En revanche, elle ne put ignorer ses premières règles, qui arrivèrent accompagnées de toute une série de recommandations maternelles.

— Plus question de gambader à droite et à gauche, lui dit Elizabeth en s’efforçant de se souvenir de tout ce que Mary lui avait dit la première fois qu’elle avait eu ses règles. Dorénavant, tu vas devoir apprendre à te conduire comme une jeune fille : fini les excursions à la mine ou dans les ateliers, ou les plaisanteries avec les ouvriers. Lorsque tu dois te baisser pour ramasser quelque chose, plie les genoux et abaisse ton corps tout entier. En aucun cas tu ne dois t’asseoir les jambes écartées ou lancer les jambes en l’air.

— De quoi parles-tu, maman ?

— De pudeur, Nell. Et ne prends pas cet air insolent.

— Toutes ces recommandations sont ridicules ! Garder les jambes serrées ? Ne plus lancer les jambes en l’air ?

— C’est ainsi. Tes culottes risqueraient d’être tachées.

— Uniquement quand j’ai mes règles, protesta Nell, renfrognée.

— Cela peut arriver à tout moment. Les cycles sont très irréguliers au début. Je suis désolée, Nell, mais les jeux d’enfant sont révolus, déclara Elizabeth d’un ton sans réplique. Tu continueras de porter des robes courtes pendant deux ans encore, mais tu devras te comporter en jeune fille.

— Je n’arrive pas à y croire ! s’écria Nell avec une mimique théâtrale. Tu cherches à m’éloigner de papa ! Je suis son fils !

— Tu es sa fille.

Nell fixa sur sa mère un regard horrifié.

— Maman ! Tu… tu ne lui as pas dit, au moins ?

— Bien sûr que si, répliqua Elizabeth, soudain sur la défensive. Assieds-toi, Nell. Je t’en prie.

— Je ne peux pas !

— Quand Anna était bébé, enchaîna Elizabeth, qui se sentait obligée de se justifier, je ne l’ai pas vue autant que j’aurais dû, de sorte que j’ai pris son handicap pour un léger retard. C’est toi qui as donné l’alerte, en demandant à ton père ce qui n’allait pas chez Anna. Et lorsqu’il a compris qu’elle était mentalement déficiente il m’a semoncée vertement.

— Avec raison !

— Je sais, ses reproches étaient justifiés. Depuis lors j’ai pris la résolution de le tenir au courant de tous vos faits et gestes, à toi et Anna.

— Tu n’es qu’un monstre !

— Allons, Nell, sois raisonnable !

— C’est toi qui n’es pas raisonnable ! Tu veux gâcher ma vie, rien d’autre ! Tu cherches à m’éloigner de papa !

— C’est injuste et c’est faux.

— Je te déteste ! Je te hais ! hurla Nell.

— Surveille ton langage, je te prie, Eléonore.

— Oh ! parce que je suis Eléonore, maintenant ? Eh bien, non. Je ne veux pas ! Mon nom est Nell !

Sur ces mots, elle sortit comme une furie et partit se réfugier dans sa chambre, laissant Elizabeth seule et désemparée.

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