Le sang des 7 Rois - Livre cinq by Régis Goddyn

Auteur:Régis Goddyn [Goddyn, Régis]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: L'Atalante
Publié: 2015-02-26T23:00:00+00:00

Rosa partit le lendemain par la rive droite du fleuve. Partout, on la fêtait, et les hommes lui demandaient de leur rendre leur fertilité. Tout à sa douleur, elle obtempérait de bonne grâce et poursuivait son voyage, le regard rivé sur les cailloux du chemin. La pierre blonde et sableuse laissa la place au rocher gris quand la pente s’accentua. Les odeurs n’étaient plus les mêmes, le sentier sonnait d’un son clair et sec sous ses souliers. D’ici une heure maintenant, elle entrerait dans son logis humide. Si Rosa était insensible à la température extérieure, elle ne pouvait rien contre le froid intérieur qui la gelait. Les ennemis frappaient à la porte, et Fernest était mort. Elle-même ne savait plus bien ce qui restait de vivant en elle.

— Rosa !

Elle fut tirée de ses songes par un groupe d’hommes et de femmes chargés de sacs qui descendaient vers la vallée.

— Rosa ! il est arrivé un malheur !

Elle s’arrêta, attendit que tous parviennent jusqu’à elle, reconnut quelques-uns de ceux qui avaient fui avec elle dans le désert, ainsi que des résurgents qui rentraient chez eux.

— Delwynn a tué, Rosa. Il a tué ses parents, hier soir. Nous refusons de rester avec lui, cet enfant est le diable ! Il nous tuera tous !

Celle qui avait parlé ainsi fondit en larmes. Les autres, la terreur marquée sur le visage, la soutinrent. Ils laissèrent Rosa au milieu du chemin et poursuivirent leur route vers la vallée.

Rosa, demeurée seule, ferma les yeux un instant, puis elle repartit, escaladant la pente et enchaînant les lacets. À la nuit tombée, elle arriva sur le plateau où ils avaient trouvé refuge. Personne ne vint l’accueillir. Elle entra dans la maison troglodyte. Delwynn luisait, debout sur la rive gauche du torrent glacé, et jouait avec une petite branche. La cabane d’Éliette et Jean n’était plus qu’un tas de cendres, et Rosa devinait dans l’ombre les cadavres calcinés de ses amis. Elle traversa le pont de fortune, avança vers Delwynn et le prit par la main, puis elle s’assit sur un banc de pierre et le hissa sur ses genoux pour l’étreindre.

— Dis-moi ce que nous sommes, Delwynn. Je n’aurais jamais dû te laisser, tout est ma faute.

Delwynn sentait contre lui le corps de Rosa secoué de sanglots, suivait dans la Clairvoyance le cours sinueux de ses larmes. Bientôt, leurs pleurs se mêlèrent, ceux de deux êtres tellement singuliers qu’ils ne pouvaient vivre que perdus, abandonnés des autres du seul fait de leur nature, incompréhensibles à leurs propres yeux. Dans les tréfonds du fort, Maja donnait naissance à un garçon. Les hurlements sonores du nourrisson se propagèrent comme une onde de choc dans les logis, provoquant la joie, les larmes de soulagement et les rires. On ouvrit des bouteilles et on railla l’heureux père. L’enfant s’appellerait Fernest.

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