Le quatrième rassemblement by Cyril Carrère

Le quatrième rassemblement by Cyril Carrère

Auteur:Cyril Carrère [Cyril Carrère]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Chambre Noire
Publié: 2022-07-20T22:00:00+00:00


28

LYCÉE GOLDEN WEST, VISALIA 1717 NORTH MCAULIFF STREET

COMTÉ DE TULARE, CALIFORNIE

LUNDI 18 MAI 2020

13 H 10

Fidèle à sa méthode, Harold Leroy attendit que la psychose et le remue-ménage cessent pour sortir de ses pénates. Il s’était bien mêlé à la masse un court instant, histoire de prendre quelques clichés sur le moment. Ça oui. Mais contrairement à ses collègues, il pensait que la véritable primeur des informations – et surtout leur qualité intrinsèque – ne se cueillait seulement qu’après, une fois passées les vagues de précipitation et d’émoi autour de l’actualité à couvrir. Pas la peine d’attendre des plombes, quelques minutes de patience suffisaient pour tirer la quintessence d’une situation donnée. Un processus de maturation express qui, selon lui, n’exigeait rien d’autre que de poser sa carcasse filiforme le long d’un mur, les mains dans les poches, les sens aux abois. Pour le reste, il se délectait du bal frénétique des mouches à merde, comme il désignait ses confrères les plus avides et les moins expérimentés.

Mieux valait penser à l’impact de ses écrits, publier quelque chose de complet plutôt que de se précipiter. Au diable la course ridicule aux scoops et aux entrefilets.

Un jour, les merdeux comprendraient, eux aussi.

Aujourd’hui, la donne variait sensiblement, mais il en fallait beaucoup plus que ça pour déstabiliser Harold. Point de scandale ou d’accident à aller couvrir. Non. Il s’agissait de suivre Ramirez et sa garde rapprochée, le fantasque Carl Forsberg et le discret William Sullivan, lors d’un énième meeting de campagne. Harold préférait d’ordinaire se rendre sur des scènes de vol ou de crime, mais son flair – bien aidé il est vrai par les soupçons communiqués au sujet de Sullivan – lui disait que cette triplette de personnalités peu compatibles finirait par faire parler d’elle.

Ça n’avait pas manqué.

Ce midi, ce simple rendez-vous, une présentation face à la jeune génération de Visalia planifiée depuis des semaines, venait de virer de bord de manière tout à fait inattendue, pour basculer de la rubrique politique à la première page de la prochaine édition du Times.

Harold jubilait.

Et que dire de l’information indirecte qui lui sauta aux yeux en immortalisant de son smartphone la chute de Ramirez ?

L’absence de ses deux sbires : Sullivan et Forsberg.

Pour lui, ce double constat valait au moins autant que le malaise du maire et tout le ramdam qui s’était ensuivi. Là où un journaliste lambda n’y verrait qu’une accumulation de détails broussailleux, son expérience agrémentée d’une dose d’intuition y percevait exactement l’inverse.

Les faits devaient être liés.

Le tout serait de deviner comment.

Une bonne vingtaine de minutes après le départ de l’ambulance emmenant Gastón Ramirez au Delta, distant d’à peine six kilomètres – une pacotille pour un véhicule toutes sirènes dehors – Harold se décida à retourner dans le réfectoire. L’endroit, dégorgé de la centaine d’étudiants contrariés qui attendaient comme lui à l’entrée du bâtiment, sonnait creux.

La grande bannière de campagne de Ramirez gisait au sol, symbole de la présentation avortée. Une partie du personnel, drapé dans des combinaisons grises, s’activait en silence dans une



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