Le Pistolero by King Stephen

Auteur:King,Stephen [King,Stephen]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Fantastique, Horror, La Tour Sombre
Éditeur: The_Darkness
Publié: 2011-08-14T13:31:59+00:00

Les arbres qui étendaient leurs branches au-dessus de l’autel recelaient des visages. Il les observa, pris d’une fascination analytique. Il vit là un dragon vert qui se tordait dans le feuillage. Là, une sylphide tendant vers lui les ramures de ses bras. Un crâne luisant de vase vibra là d’une vie interne. Des visages. Des visages partout.

Les hautes herbes de la clairière battirent soudain puis se courbèrent.

Oui !

Oui!

Un trouble vague s’empara de sa chair. Comment ai-je pu en arriver là, pensa-t-il, depuis ces merveilleux moments que nous avons connus, Susan et moi, couchés dans le foin tendre ?

Un corps de vent se lova contre son corps, des seins d’un soudain parfum de jasmin, de rose et de chèvrefeuille.

— Rends ton oracle, dit-il, la bouche emplie de métal.

Un soupir. Un gémissement sourd. Le Pistolero sentit ses parties se rétracter et durcir. Au bord du ciel, par-delà les visages des arbres, il vit les montagnes.., dures, brutales, hérissées de crocs.

Le corps se mit à frémir, à bouger, à lutter contre lui. Ses poings se crispèrent. Elle lui avait projeté l’image de Susan. Là-haut, c’était Susan. L’adorable Susan à sa fenêtre qui l’attendait, sa chevelure défaite roulant sur l’encolure. Il détourna vivement la tête, mais le visage de Susan resta dans son regard.

Jasmin, rose, chèvrefeuille, foin tassé par les amours… parfum de l’amour. Aime-moi.

—Ta prophétie… dit-il.

S’il te plaît, gémit l’oracle, pas de froideur. Il fait toujours si froid ici.

Des mains qui glissaient sur sa chair, des mains expertes qui l’enflammaient. Le tiraient. L’attiraient. Une fente noire. Ultime lascivité. Moite et chaude…

Non. Sèche. Froide. Stérile.

Montre-toi miséricordieux, pistolero. Ah, s’il te plaît ! J’implore tes faveurs ! Aie pitié !

—Est-ce que tu aurais eu pitié du gamin ?

Quel gamin ? Je ne connais pas de gamin. Est-ce un gamin dont j’ai envie ? Oh, s’il te plaît.

Jasmin, rose, chèvrefeuille. Foin bien sec gardant le fantôme des trèfles de l’été passé. Huile décantée dans de très vieilles urnes. Une émeute emporte la chair.

—Plus tard, dit-il.

Non. S’il te plaît. Tout de suite.

Il orienta vers elle son esprit — négation même de toute émotion —, le laissa se dévider. Le corps qui planait au-dessus de lui se figea, sembla hurler. Entre ses tempes, le Pistolero sentit les brefs et perfides assauts d’une lutte à la corde — c’était son cerveau qui faisait la corde, grise, fibreuse. Durant de longues minutes, il n’y eut aucun bruit sinon le souffle tranquille et régulier de sa respiration et celui de la brise légère qui faisait frémir, cligner de l’œil et grimacer les visages verts dans les arbres. Nul oiseau ne chantait.

L’emprise du succube se relâcha. De nouveau, le sanglot étouffé se fit entendre. Il fallait faire vite, car le risque était grand que la démone le quittât bientôt. S’attarder l’exposerait à une perte d’être; il se pouvait que ce fût là sa manière de mourir. Déjà, il la sentait se retirer vers les limites du cercle de pierres. Un vent traçait dans l’herbe des dessins tourmentés.

—Prophétie, dit-il — laconisme extrême.

Un gémissement, soupir las.

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