Le petit été de la Saint-Luke by Ruth Rendell

Auteur:Ruth Rendell [Rendell, Ruth]
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 2702415628
Éditeur: Le Masque

CHAPITRE XI

La pluie avait cessé et un brouillard épais enveloppait la campagne. De grosses gouttes d’eau tombaient des arbres avec régularité, comme s’il pleuvait encore. Burden ralentit dans Fontaine Road et fit demi-tour. Il ne voulait pas laisser sa voiture devant la maison de Gemma à cette heure de la nuit.

Il se gara au fond de Chiltern Avenue. Un sentier longeant les champs rejoignait Fontaine Road. Burden laissa la voiture sous un réverbère, dont la brume estompait la lumière en un halo léger, et remonta le sentier à pied. Dans cette nuit noire, il ressemblait à l’entrée d’un tunnel. Aucune lumière ne brillait dans les maisons voisines. Il avança lentement et s’accrocha à des buissons dont les branches chargées de pluie lui éclaboussèrent le visage et les vêtements. À mi-chemin, il se décida à allumer sa torche électrique. Puis, comme il arrivait à la barrière de Mrs. Mitchell, il entendit des pas précipités derrière lui. Il se retourna en dirigeant sa torche sur un visage juvénile encadré de longs cheveux.

— Que se passe-t-il ?

La jeune fille devait l’avoir reconnu car elle se jeta dans ses bras. Il se rendit compte, alors, que c’était la fille de Mrs. Crantock, une adolescente de quatorze ans.

— Avez-vous eu peur de quelque chose ou de quelqu’un ?

— Un homme dit-elle en reprenant son souffle, il se tenait près d’une voiture. Il m’a parlé, je me suis affolée.

— Vous ne devriez pas sortir seule la nuit. Venez, nous allons retourner.

Elle hésita, mais il lui assura qu’elle ne risquait rien avec lui.

Ils retraversèrent le tunnel sombre, la jeune fille s’accrochait à son bras. En débouchant dans Chiltern Avenue, il leva sa torche et découvrit ainsi la silhouette d’un homme qui se tenait près du capot de sa voiture. Le duffel-coat, au capuchon relevé, qu’il portait, lui donnait un aspect sinistre.

— Oh ! c’est Mr. Rushworth ! s’écria la jeune fille avec soulagement.

Burden s’approcha de lui en se souvenant que sa femme n’avait pas tenu compte de l’avertissement de Mrs. Mitchell.

— Vous avez effrayé cette jeune personne.

Rushworth cilla sous le faisceau lumineux.

— Je lui ai seulement dit bonsoir en remarquant qu’il faisait un sale temps et elle s’est sauvée comme si elle avait eu le diable à ses trousses. Dieu sait pourquoi, car elle me connaît.

— Tout le monde est un peu nerveux en ce moment, monsieur. Surtout par une nuit pareille. Bonne nuit.

En retournant vers Fontaine Road, Burden répéta à la jeune fille qu’elle ne devrait pas sortir seule le soir.

— Je suis allée chez une amie écouter des disques. Son père voulait me raccompagner, mais c’est si près que je lui ait dit que ce ne n’était pas la peine.

— Vous constatez que ce n’est pas prudent.

Elle garda le silence un moment, puis elle demanda :

— Allez-vous voir Mrs. Lawrence ?

— Oui.

— Elle est dans tous ses états. Mon père assure qu’il ne serait pas surpris si elle faisait une bêtise.

— Que voulez-vous dire ?

— Oh ! vous savez bien, se suicider, par exemple. Je l’ai rencontrée au supermarché, elle se tenait au milieu du magasin et elle pleurait.

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