le paradoxe du menteur by le paradoxe du menteur

Auteur:le paradoxe du menteur [du menteur, le paradoxe]
La langue: fra
Format: epub
Publié: 2012-05-09T15:30:55+00:00

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— Donc, ce que tu suggères, dit Marshall Trueblood, c’est que chacun d’entre nous propose une solution à ce petit mystère…

Ils étaient tous attablés au Jack and Hammer, occupés à grossir leur ardoise. Aucun n’était venu avec de l’argent en poche, tout au moins pas de billets, ce qui était assez risible compte tenu du revenu moyen des uns et des autres. Ce revenu, Melrose Plant et Vivian Rivington l’avaient reçu en héritage. Celui de Diane Demorney était le fruit de trois divorces spectaculairement rémunérateurs. Marshall Trueblood (antiquaire fortuné) et Joanna Lewes (écrivain incroyablement friqué) gagnaient, eux, leur vie en travaillant (ou du moins en « faisant semblant », pour reprendre la formule de Joanna). De Mme Withersby et de Théo Wrenn Browne, on pouvait dire qu’ils travaillaient pour vivre ; à eux la fortune n’avait guère souri. (Théo n’aurait pas été content de se voir rangé dans la même catégorie que Mme Withersby.)

Melrose avait passé la plus grande partie de l’après-midi à leur faire un rapport sur l’affaire que lui avait racontée Jury. Fascinés, ils avaient insisté pour qu’il leur livre les plus infimes détails, et il s’était bien volontiers exécuté. Joanna Lewes (forcément, l’écrivain) l’avait harcelé pour qu’il ne laisse rien de côté, et Melrose avait laborieusement exposé la mécanique quantique, la théorie des cordes, la clinique Stoddard, et le peu qu’il savait du mathématicien Gödel. À sa grande stupéfaction, ils avaient tous (surtout Marshall Trueblood) bu ses paroles en même temps que leurs bières, whiskies ou martinis. Bien sûr, étant donné que Long Piddleton n’était pas exactement un village touristique, et ne pouvait s’enorgueillir ni d’un Relais et Châteaux tout en pierre pastel, ni d’une côte rocheuse battue par les tempêtes et survolée de mouettes rieuses, ni d’un ou deux restaurants pouvant rivaliser avec Les Quatre-Saisons (bastion des « gourmands » chers à Polly Praed), ni d’une abbaye en ruine, encore moins d’un parc safari, on pouvait dès lors comprendre que la disparition de Mme Gault les tienne ainsi en haleine.

— Un concours ! s’exclama Diane, pour qui une bonne journée était avant tout une journée riche en divertissement.

Elle se laissait occasionnellement distraire par des séismes, incendies, inondations, des carambolages d’au moins vingt véhicules sur l’autoroute M1, mais c’étaient là des distractions un peu trop sinistres à ses yeux, et qui n’avaient finalement pas grand-chose à voir avec sa conception du divertissement.

— Pourquoi un concours… ? commença Joanna Lewes.

— Moi j’en suis, nom de diou ! beugla Mme Withersby, la femme de ménage de Scroggs.

Joignant le geste à la parole, elle balança sur la table une pièce de dix pence, comme s’ils étaient au poker. Personne ne fit attention à elle.

— Et pourquoi pas un concours ? rétorqua Théo Wrenn Browne, propriétaire de la librairie d’en face, qui ne pouvait s’asseoir à leur table qu’à la condition expresse d’y apporter quelque chose.

Il prétendait aussi ne pas avoir apporté d’argent, mais c’était là un mensonge, en fait il n’avait simplement aucune envie de se voir refiler l’addition.

Melrose ne pouvait pas le sentir.

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