Le Matin des Dinosaures by Philippe Ebly

Auteur:Philippe Ebly [Ebly, Philippe]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Jeunesse SF
Publié: 2015-04-14T09:58:07+00:00

10

Après le dîner, l’obscurité empêchait à peu près toute activité. Il n’y avait guère autre chose à faire que de s’asseoir autour d’une torche électrique – faute de mieux – et de bavarder pour oublier le danger des jours à venir. Ce soir-là, sans que personne les eût poussés dans cette voie, Aïtor et Alana parlèrent un peu de leur passé.

« Nous n’avons jamais connu nos parents, expliqua Alana. Nous avons toujours vécu ensemble, mais nous ne sommes pas frère et sœur. On nous a dit souvent que nous ne l’étions pas. »

Et cela devait être vrai. Quand on les regardait avec attention, en oubliant leurs yeux jaunes et les reflets cuivrés de leurs cheveux, on voyait nettement qu’ils n’avaient aucune ressemblance.

« Où avez-vous vécu ? » demanda Thibaut.

Il avait hésité avant de poser cette question, car la promesse faite à Martigny lui liait encore un peu la langue. Mais tout bien pesé, puisqu’ils connaissaient le secret du groupe A, cette promesse avait-elle encore un sens ? D’ailleurs, Alana répondit aussitôt, sans essayer de cacher quoi que ce soit.

« Dans une vallée isolée, comme celle-ci. Sans jamais voir une ville…

— Et vous viviez seuls ? demanda encore Thibaut.

— Presque toujours, depuis que nous avons dix ans. Il y avait juste le professeur qui venait nous voir de temps en temps.

— Et avant cela ? »

Alana eut un geste vague, comme si la question que posait Thibaut n’avait vraiment aucune importance. Puis elle répondit quand même.

« Quand nous étions tout gosses, nous avions un homme et une femme avec nous. Mais pas toujours les mêmes…

— Oui, approuva Aïtor. Ça changeait souvent, et nous ne les avons pas regrettés. Pas du tout. »

Chose curieuse, aucun des deux mutants ne s’était attaché à ces éducateurs qui se succédaient auprès d’eux – comme si l’on tenait à ce qu’ils n’aient aucune affection pour les hommes et les femmes ordinaires. Toute leur éducation semblait vouloir les isoler entièrement.

« Et tout ce que vous savez ? demanda Thibaut. Comment l’avez-vous appris ?

— En lisant, répondit Aïtor. Le professeur nous apportait souvent des livres, et nous les lisions, bien sûr… nous avons appris beaucoup de choses par hypnopédie.

— Quoi ? » dit Thibaut.

C’était un mot qu’il entendait pour la première fois. Quant à Serge, il savait que l’hypnopédie était un enseignement qui se donnait sans effort, pendant le sommeil – mais il n’avait pas d’autre information.

« Des mini-cassettes qu’on nous faisait entendre pendant la nuit, expliqua Aïtor. C’était réglé tout bas, pour nous laisser dormir. Moi, je me suis réveillé une fois, et j’ai entendu une voix qui me donnait une leçon… J’ai cherché pendant longtemps, pour savoir d’où ça venait… »

En écoutant Aïtor et Alana, Serge comprenait qu’on avait voulu les préparer à une vie d’aventures. On les avait entraînés à supporter le chaud et le froid, la faim et la soif, l’inconfort et les nuits sans sommeil. On leur avait appris à se débrouiller seuls – et le résultat n’était pas mauvais du tout.

« Comment êtes-vous venus ici ? demanda Thibaut.

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