Le Manuscrit Volé by Ténor Arthur

Auteur:Ténor, Arthur [Ténor, Arthur]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Jeunesse, Littérature française, Roman historique, + 10 ans
Éditeur: Seuil
Publié: 2011-07-31T22:00:00+00:00

16

Un allié maudit

En retrouvant sa monture qui l’attendait à l’entrée de Paris, près de l’hôtel royal des Invalides, Jean crut que son cœur allait exploser tant il avait couru. Le garçon d’écurie qui la lui remit s’en inquiéta :

— Ça ne va pas, monsieur ? Voulez-vous que je vous apporte à boire ?

Le page manquait de souffle pour pouvoir articuler une réponse. Il se contenta de remercier le garçon d’une main sur l’épaule, puis sauta en selle et piqua des deux vers la plaine de Grenelle en criant :

— Je reviens !

De sa vie, jamais il n’aurait cru possible de parcourir aussi vite les cinq lieues23 qui séparaient les faubourgs de la capitale du château de Versailles.

Le palefrenier de la Grande Écurie qui le réceptionna ne put retenir un « Oh fichtre !» à la vue du cheval écumant. Son émotion fut telle qu’il ne fit aucune remarque sur la tenue pour le moins surprenante du page. Et s’il se retint de le réprimander d’avoir poussé cette pauvre bête au-delà des limites du raisonnable, c’était parce qu’il n’avait pas autorité sur un page. Il ne se priva cependant pas d’avertir :

— Si cet étalon meurt d’épuisement, je serai contraint d’en expliquer la raison.

— Et vous ferez bien ! Savez-vous où sont mes camarades de première année, en ce moment ?

— Voyons, monsieur de Courçon, tout le monde est au réfectoire.

— Diantre ! Mais quelle heure est-il donc ?

— Une heure passée.

— Déjà ! Tenez prête une autre monture sellée… ou non, plutôt deux… même trois, car je vais sans doute revenir accompagné.

— Avez-vous l’autorisation de…

Le palefrenier ne termina pas sa phrase, Jean lui avait saisi le bras à deux mains, et le fixant avec l’expression tragique d’un désespéré en appelant au Bon Secours, il demanda :

— Monsieur Gaudin, rendez-moi un service, de la plus haute importance.

L’homme fronça les sourcils. Il était habitué aux simagrées des pages, capables de jouer les plus incroyables comédies pour obtenir… des services, justement !

— Je vous écoute, dit-il en se renfrognant.

— Allez prévenir mon camarade Camille d’Astignac que je l’attends ici, dans l’arrière-cour. Dites-lui que c’est une question de vie ou de mort, pire que cela même ! Faites vite, je vous en prie.

Et il glissa dans la main calleuse du bonhomme une pièce d’argent qui fit fondre toute velléité de discussion.

Jean de Courçon n’eut pas à patienter longuement, mais il éprouva chaque seconde qui passait comme une véritable torture. Car les pinces du tourmenteur lui broyaient l’estomac, tandis que le diablotin mea maxima culpa24 lui ravageait le moral.

— Jean ! Mais que fais-tu dans cet accoutrement ?

Le page en costume de fripier fit volte-face. Il était livide et avait le visage luisant d’une sueur froide. Il se précipita vers son ami d’Astignac qui venait de faire son apparition dans la cour des écuries. Il l’enlaça et lui révéla, des sanglots dans la voix :

— Camille, j’ai commis la pire faute qu’on puisse imaginer. Je suis complètement désemparé.

— Allons, la pire faute que nous connaissions est le crime de lèse-majesté.

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