Le grimoire au rubis, Cycle I Livre 1, Bertoul et le secret des hiboux by Bottet Béatrice

Auteur:Bottet, Béatrice
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Hérétiques
Publié: 2021-08-25T00:00:00+00:00

Au matin, la caravane repartit.

Bertoul trouvait agréable de marcher non seulement avec Blanche, qui se plaisait à faire la conversation aux uns ou aux autres, mais aussi de conserve avec des compagnons de route dont beaucoup avaient son âge, sans compter qu’il était sécurisant d’être protégé par une troupe compétente. Cela les changeait de la marche solitaire et inquiète. Dès le matin, Blanche reçut quelques œillades et quelques compliments, et Bertoul fut sollicité pour enseigner aux garçons les chansons d’amour qu’il connaissait.

— Comment nous rappellerons-nous tous ces poèmes et ces chansons ? lui demandèrent Arnaud et Renaud Magnier, les fils jumeaux du chef de convoi.

— Trouvez-moi un parchemin et je vous noterai les paroles, répondit Bertoul. Savez-vous lire, au moins ?

— Bien sûr, dit Arnaud. Il le faut bien, dans le métier de marchand.

— Et compter surtout ! renchérit son jumeau en riant. Je vais te chercher deux ou trois feuilles.

Quand il revint avec ce précieux matériau, Bertoul, encadré de cinq ou six des garçons, s’assit sur le bord de la route pour noter toutes les paroles, tandis que Blanche continuait sa marche avec d’autres admirateurs.

Il effila une plume avec son couteau, prit sa corne d’encre et demanda qu’on lui trouve une planchette pour s’y appuyer. Aussitôt sa demande satisfaite, il trempa la plume dans l’encre et il se mit à écrire les paroles tout en fredonnant l’air et en demandant à son auditoire :

— Vous vous rappellerez comment on chante cela ? Vous saurez que c’est ici qu’on baisse de ton et que c’est là qu’on module ?

La caravane finit de les dépasser et il écrivait toujours, donnant ses indications.

Quand il eut fini, il tendit les rouleaux à ses nouveaux amis. Les jouvenceaux, tout heureux, partirent en avant en chantant, mais Bertoul, lui, prit le temps de bien refermer sa corne d’encre – il s’agissait qu’elle ne coule pas sur le grimoire ou sur ses propres parchemins – de la ranger soigneusement, de vérifier d’un bref coup d’œil l’état du précieux livre et de ses instruments, puis il rejoignit la queue de la caravane.

Le dernier chariot brinquebalait, les soldats de l’arrière-garde plaisantaient, les garçons, entraînés par le rythme des chansons, étaient déjà vers la tête du convoi, pressés de rejoindre la seule compagnie féminine…

Bertoul pressa le pas pour les rejoindre et rattraper Blanche quand tout à coup il vit, à l’arrière du chariot, un spectacle qui le laissa un instant interdit, puis scandalisé.

Un oiseau était déployé, ailes écartées, sur le hayon de bois et se débattait misérablement, à petits soubresauts impuissants. Il était cloué de deux grandes pointes dans les ailes. C’était un hibou.

Bertoul agrippa la manche du premier soldat qui se trouvait là.

— Qu’avez-vous fait à cet oiseau ? interrogea-t-il d’une voix cassée.

— Eh ben on l’a cloué c’ matin pour qu’ les autres comprennent. C’est pas nous qu’on va s’ laisser embêter par ces bêtes malfaisantes.

— Ce n’est qu’un hibou ! protesta Bertoul.

— Un messager de la nuit, un oiseau du diable ! répliqua le soldat. Avec

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