Le Grand Monde 03 - La Vipère by Guy des Cars

Auteur:Guy des Cars [Guy des Cars]
La langue: eng
Format: epub
Tags: roman
ISBN: 0828895538
Éditeur: Flammarion
Publié: 1969-07-31T23:00:00+00:00

Dans la rue, Patrice Rumeau n’eut pas à marcher longtemps avant de remarquer, cachées dans l’encoignure des portes cochères, des ombres immobiles devant lesquelles il passa le plus naturellement du monde. Ainsi le dispositif de surveillance qu’il avait fait mettre en place avant sa visite fonctionnait avec la précision d’un mécanisme d’horlogerie. Il savait qu’il en était de même aux alentours de l’immeuble de l’avenue Kléber et qu’il en serait ainsi partout où l’un des membres de la direction – c’est-à-dire de « la famille » de Madame Phu – ou même du personnel de la Lampe de Jade irait à l’avenir. Et ceci durerait tant que ce serait nécessaire.

La première pensée qui lui vint à l’esprit, alors qu’il s’éloignait du restaurant, fut qu’il manquait quelqu’un lorsque la troupe de serviteurs et de cuisiniers, conduite par M. Ki Ho, s’était avancée, hostile, vers sa table. Ce quelqu’un était la propre fille de Madame Phu : absence qui lui parut assez surprenante… Une jeune fille, qui n’est plus du tout une gamine, aurait dû normalement se trouver dans le groupe des « défenseurs » de sa mère. À moins que, sa danse terminée, elle ne fût déjà rentrée avenue Kléber ? Ou bien que, terrorisée, elle eût jugé préférable de rester cachée dans les coulisses ou à l’office ? Car il était difficilement imaginable qu’une telle carence fût motivée par une sorte de contentement intime de la jeune Siao à l’idée que sa mère risquait de connaître quelques ennuis ? De toute façon, l’absence de Siao, volontaire ou pas, ne prêtait pas à conséquence : elle aussi était « filée » de très près. Pour des raisons ne regardant que lui, Patrice Rumeau avait pris soin de bien préciser aux « anges gardiens » que s’il y avait une personne, dans le lot, à surveiller – et à protéger – avec le maximum d’attentions, c’était précisément l’enfant de Pierre Burtin.

Selon ses habitudes de noctambule, le « colonial » rejoignit sans hâte la rue Vaneau, profitant de ce qu’une fois de plus la nuit parisienne voulait bien se montrer clémente. Promenade qui lui donna tout le temps de faire le point sur la façon dont se présentait la situation… Dès qu’il avait compris que Ngô-Thi-Maï-Khanh l’avait repéré, il avait immédiatement abattu certaines cartes, en prenant pourtant soin de conserver cachés quelques atouts majeurs parmi lesquels l’un des plus importants était la veuve Burtin. Il ne se faisait pas trop d’illusions sur l’opinion que la patronne de la Lampe de Jade pouvait avoir de cette soi-disant « sœur » Marguerite qu’il lui avait présentée à sa précédente venue au restaurant. La Chinoise était beaucoup trop fine pour mordre à l’hameçon de cette pseudo-parenté entre un faux Patrice Rumeau et une femme sensiblement de son âge. Mais « le pharmacien » était maintenant certain d’une chose : Madame Phu n’avait fait aucun rapprochement entre cette vieille dame et la mère de Pierre Burtin qu’elle n’avait d’ailleurs jamais vue, ni cherché à connaître. La preuve

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