Le garçon bleu by Demarlier

Auteur:Demarlier
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Alice Jeunesse
Publié: 2015-05-15T00:00:00+00:00

23

— Tu crois en Dieu ? ai-je demandé en désignant le clocher.

La question était peut-être saugrenue mais, après tout, il y avait de quoi se la poser. Tu t’étais éclipsé d’une soirée démente pour venir te geler les fesses sur les marches d’une église.

— Je suis désolé. Je me suis senti si mal à l’aise au milieu de toutes ces filles et…

— Si peu de garçons ?

— Oui.

— Tu as pensé que c’était un guet-apens…

Tu as souri, gêné, ne sachant s’il s’agissait d’un aveu ou d’une plaisanterie.

— Ce n’était pas fait exprès, ai-je précisé. On avait invité autant de garçons que de filles, mais Maxime les a convaincus de ne pas venir. Il cherche à persuader tout le monde que tu mens.

— Et, apparemment, il y parvient…

— Les garçons sont tellement influençables. Maxime a toujours été leur gourou.

— Alors que les filles n’ont pas besoin de gourou ?…

— Non. Nous, on se fie uniquement à notre raison.

Je n’étais pas certaine de ce que j’avançais. M’étais-je fiée une seule fois à ma raison durant ces trois dernières semaines ? Peut-être pas, mais je m’étais fiée à mon sixième sens. Et mon sixième sens était formel : tu disais la vérité.

— Tu ne t’assieds pas ?

— Si.

En m’accroupissant sur les marches de pierre, j’ai regretté doublement de ne pas avoir emporté de manteau. Certes, cela te permettait d’admirer mes jambes et mon décolleté, mais j’allais bientôt devenir aussi bleue qu’un cadavre.

— Pour répondre à ta question, je ne crois pas en Dieu mais je trouve bien que certains y croient.

— Ah bon, pourquoi ?

— Parce qu’ils ont la foi. Je ne parle pas de la foi religieuse, mais du fait qu’ils ont en eux les ressources nécessaires pour croire. On vit dans un monde tellement scientifique où tout réclame une preuve. Le fait que des gens puissent croire en quelque chose sans en avoir la preuve matérielle, je trouve ça plutôt rassurant.

— C’est un peu effrayant aussi, ai-je répliqué.

— Pourquoi effrayant ?

— Ben, ça veut dire qu’on pourrait croire n’importe quoi.

— Non, ça veut dire qu’il y a deux façons de connaître une chose. On peut connaître une chose parce qu’on en a la preuve. Ou parce qu’on en a l’intuition.

J’étais parfaitement d’accord avec toi. L’intuition était mon mode de connaissance primordial. Et, en ce moment, mon intuition fonctionnait à plein régime.

J’ai l’intuition que ma vie pourrait changer si tu m’embrassais, là, sur le champ. J’ai l’intuition que tu pourrais me rendre heureuse. J’ai l’intuition que je pourrais t’épouser si un prêtre surgissait du parvis de cette église et nous accordait sa bénédiction.

— Tu as froid ?

— Un peu, ai-je avoué, ne pouvant réprimer mes grelottements.

Tu as enlevé ta veste. Cette inusable veste que tu ne quittais jamais et que j’associais à une seconde peau. En l’enfilant, c’était comme si je me glissais dans tes bras. À présent, je me jugeais très prévoyante d’être sortie dans la nuit sans manteau.

— Tu l’aimes bien, cette veste, ai-je murmuré en caressant la manche dont la toile était usée.

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