Le fleau de la nuit by Masterton Graham

Auteur:Masterton, Graham [Masterton, Graham]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Terreur
Éditeur: Pocket
Publié: 1996-08-31T22:00:00+00:00

Ils s’approchèrent finalement de Gordon, qui venait de se réveiller après un petit somme agité sur le canapé. Springer s’agenouilla près de lui et posa doucement la main sur son poignet bandé. Le visage de Gordon était blême, et ses yeux dilatés. Lorsqu’il parla, sa voix était pâteuse, comme s’il se remettait des effets d’un anesthésique.

Stanley se demanda si Springer l’avait mis « hors circuit » d’une manière ou d’une autre afin d’atténuer ses souffrances. Même si les soins prodigués par Springer avaient été miraculeux, la perte d’une main devait néanmoins être affreusement traumatisante.

— Gordon…, dit Springer d’une voix douce. Comment vous sentez-vous ?

— Atrocement mal, répondit Gordon. J’ai l’impression qu’un hamster a dormi dans ma bouche. Est-ce que je pourrais avoir un verre d’eau ?

— Bien sûr. Stanley, vous voulez bien vous en charger ? Vous ne serez pas complètement rétabli avant une ou deux semaines, Gordon.

— Ces choses… ces choses-chiens… qu’est-ce que c’était ?

— Des chiens de garde, si vous voulez. Les sorcières les créent pour s’amuser, et également pour qu’ils les servent et les protègent. Vous avez certainement lu ces contes de fées où des sorcières volent des enfants… Rapunzel, Hansel et Gretel… ils sont fondés sur des faits réels. Les sorcières volaient des bébés et de jeunes enfants et les combinaient par des moyens surnaturels avec le corps de chiens, de chats ou de chèvres. Elles promettaient toujours aux enfants que – un jour – ils retrouveraient leur forme humaine, mais en retour, ils devaient servir leur maîtresse et lui obéir aveuglément. Ces chiens-garçons qui vous ont attaqués gardaient l’accès aux souvenirs de leur maîtresse… ce paysage cinglé par la pluie, ce monde barbare de souffrances et de maladies.

Stanley apporta un verre d’eau à Gordon. Celui-ci but avidement et maladroitement, renversant un peu d’eau sur son blouson.

— Les chiens-garçons avaient reçu l’ordre de tuer tous les intrus, quel qu’en soit le prix, déclara Springer. Vous avez eu de la chance de vous en tirer vivants.

— J’ai perdu une main, fit remarquer Gordon.

Springer se releva lentement et considéra Gordon avec un mélange de compassion et de résignation. Stanley lisait dans ses yeux la fermeté de quelqu’un qui sait que les événements doivent arriver comme ils doivent arriver, mais peut le déplorer néanmoins. Il y avait dans l’Univers des conflits plus importants que les chamailleries des hommes, des planètes plus colossales que la Terre… et il y avait des pertes plus douloureuses que celle de la main de Gordon.

Toutefois, la distance entre la Terre et Jupiter, en conjonction, était seulement de 928 millions de kilomètres, alors que la distance entre Gordon et sa main perdue était infinie.

— Depuis le jour de votre naissance, Gordon, votre destin était de perdre cette main, lui dit Springer. Vous l’ignorez probablement, mais votre trisaïeul a perdu la même main, quand il a été recruté pour faire partie des Guerriers de la Nuit. Et trois générations auparavant, son trisaïeul avait également perdu sa main gauche.

— Mais pourquoi ? demanda Gordon d’une voix rauque.

— C’était un sacrifice, disons.

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