Le aye-aye et moi by Gerald Durrell

Auteur:Gerald Durrell [Durrell, Gerald]
La langue: fra
Format: epub
Tags: littérature britannique, zoologie
Éditeur: Payot
Publié: 1992-01-01T23:00:00+00:00

Après ça, la route empira encore et encore ; nous nous traînions à présent à une allure d’escargot, sans pour autant éviter les ornières à se rompre les os, ni les énormes rochers. À force de grimper, nous nous trouvions à quelques centaines de mètres au-dessus de la mer, que nous apercevions d’ailleurs au bas du ravin à travers les cocotiers et les ravenala. De l’autre côté du précipice s’élevait la pente abrupte d’une colline jadis défrichée pour être cultivée, puis laissée à l’abandon, et aujourd’hui envahie par une végétation broussailleuse et rampante parmi laquelle jaillissait çà et là un palmier ou un ravenala étalant ses feuilles comme une queue de paon verte. En contrebas s’étalaient, plus splendides les unes que les autres, d’énormes baies aux plages couleur de biscuit semées de rares récifs. Et au-delà, la mer, très bleue, qui laissait sur le sable brun des veinées d’écume pareilles à des colliers de corail blanc.

Finalement, nous fîmes une halte dans un village où nous avions soi-disant rendez-vous avec le professeur Roland Albignac, un vieil ami à nous, fondateur de la réserve de la Biosphère dans la région de laquelle nous amenait notre mission. Mais comme cela arrive souvent à Madagascar, la rencontre n’eut pas lieu. Les gens du pays se montrèrent, comme à l’accoutumée, pleins de bonne volonté et de renseignements sur notre ami. Il allait débarquer par avion, il arrivait en voiture, en bateau, il était déjà ici, ou là, il se trouvait à Paris – il n’était pas question qu’il vienne du tout.

Perplexes devant pareilles largesses en matière d’information, nous décidâmes de déjeuner à l’hotely du coin dans l’espoir d’y voir surgir notre héros. Rien de tel ne se passant, nous nous dépêchâmes de repartir, inquiets de manquer le dernier ferry avant la marée, dont les horaires nous furent prodigués avec la même fantaisie.

Ragaillardis par un déjeuner simple mais excellent de poisson frais et de poulet, accompagnés du traditionnel bol de riz sans lequel, aux yeux des Malgaches, un repas n’est pas un repas, nous reprîmes donc la route. Comme nous avions encore un bon bout de chemin à faire, quelle ne fut pas notre angoisse de voir que la route n’avait pas fini de se détériorer ! Nous progressions de plus en plus lentement. Lorsque, finalement, la rivière nous apparut, le ciel virait au vert tendre et les ombres s’allongeaient de façon menaçante.

À notre profond soulagement, le ferry se trouvait de notre côté. Mais nous dûmes vite déchanter : à entendre les hommes qui le manœuvraient, le reflux était en cours, d’ailleurs le niveau de l’eau dans la rivière baissait déjà. Impossible de traverser à sec. Autrement dit nous risquions d’être bloqués dans ce désert jusqu’à la prochaine marée, une perspective qui ne nous réjouissait guère, étant donné qu’oreillers, lamba et tatamis étaient enfouis au fin fond des voitures sous une pile de bagages et de matériel, et que nous n’avions absolument rien à nous mettre sous la dent. Nous fîmes donc monter en toute hâte

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