L'affaire Maria Gomez by Camille Bouchard

Auteur:Camille Bouchard
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 9782897140953
Éditeur: De la Bagnole

Chapitre 8

Dernier jour avant la relâche

La porte de mon bureau de psychologue s’entrebâille, puis s’immobilise. Ensuite, j’entends deux timides cognements de jointures sur le bois.

Lui?

— Entrez.

J’avais raison. Daniel Masson apparaît dans l’embrasure.

— Monsieur Roy? Est-ce que je vous dérange?

— Un peu. J’ai des tas de dossiers à fermer avant le congé.

— J’ai un cours libre et j’aimerais vous parler un moment.

— D’habitude, il faut demander une consulta...

— Je sais, me coupe-t-il. Mais c’est à propos de l’affaire María Gómez. J’ai pensé que vous auriez envie de...

Il s’interrompt, comme si sa phrase inachevée se complétait d’elle-même. Je pousse un soupir pour exprimer ma contrariété, mais au fond, je n’en espérais pas moins. J’ai brassé pas mal les brandons[12] mourants avec Brigitte Lanssen et il semble bien que le feu veuille reprendre.

— Ça va. Je t’accorde dix minutes.

Pendant qu’il s’installe, je m’empare du clavier et note: 28 février. Daniel Masson. École polyvalente Chemin-des-Marguerites. Dossier 28 – CSMM-PR. Affaire Mascotte. Je positionne la caméra en direction du visage de Masson. Je ne manque pas de faire un rapide zoom sur la blessure au-dessus de sa lèvre avant de replacer l’image selon un cadre normal.

— J’ai parlé avec Brigitte Lanssen, déclare-t-il d’entrée de jeu.

— À quel propos?

— De... de l’agression contre María Gómez.

— Qu’as-tu à m’apprendre?

— Rien. Mais ce n’est pas moi et j’aimerais que vous l’affirmiez à Brigitte. Elle ne me croit pas.

— Je ne peux pas.

— Pourquoi?

— Parce que j’ignore qui a cherché à tuer María. Ça peut être toi... comme ça peut être Sébastien Véronneau, comme ça peut être tout garçon qui n’était pas dans le gymnase à ce moment-là et qui n’a pas de témoin pour confirmer qu’il ne se trouvait pas en compagnie de María Gómez.

— Ce n’est pas moi.

Je me laisse aller contre le dossier de mon fauteuil. Je fixe le regard fuyant de Daniel Masson et, là où je voyais avant de la timidité et de la méfiance, je reconnais aujourd’hui de la culpabilité et de la honte.

— Bien sûr.

Un «bien sûr» qui signifie autant «je te crois» que «c’est toi».

Après plusieurs secondes de silence, je sens un profond malaise m’envahir. Et je mets encore plusieurs instants avant de comprendre que ledit malaise vient moins du mutisme que de la présence de cet agresseur en face de moi.

Une composante de mon métier consiste à compatir avec ces gens-là, car ils sont malades. Mon rôle est de les appuyer, les soigner. Mais je suis également humain. Aussi, je ressens d’abord du dégoût face à cet adolescent mal dans sa peau qui a manigancé je ne sais quel coup tordu pour je ne sais encore quelle fin. Une fin qui a vraiment mal tourné.

À entendre sa respiration haletante, à observer la moiteur de ses joues, j’ai l’impression de voir s’évaporer autour de lui le trouble qui l’habite, un trouble dont j’aspire les miasmes à chacune de mes inspirations.

Je reprends donc la parole.

— Je connaîtrai peut-être – je dis bien peut-être – la vérité lorsque je rencontrerai María. Elle reviendra à l’école à la fin de la relâche.

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